Si j'ai cru bon de proposer ici des poèmes, c'est que l'écriture ou plutôt l'expérience poétique est liée pour moi aux lieux tout autant qu'aux êtres.
Il n'y a pas de coupure entre le fait d'enchanter le monde, les lieux où la mémoire des hommes s'est construite et de dire - de vivre - les visages, le périple des amours ou celui des douleurs.
Comme le patrimoine, la poésie est en sursis, constamment, ici dans la précarité de la parole transmise, là dans celle de la pierre qui s'érode. Toujours en menace d'oubli, le patrimoine a besoin de la parole qui seule irrigue la mémoire, lui donne sens, comme la poésie donne sens au monde, agrandit l'entour de lumière des jours...
Et l'écriture qui n'aurait pas comme point d'ancrage une mémoire, une histoire – certes ouvertes aux grands vents du monde – serait dissoute vite aujourd'hui dans les flux incessants d'inanités qui nous menacent et parfois nous submergent.
On trouvera donc dans cette partie un parcours poétique, entre publications et silences, comme bien d'autres de ma génération. Il ne fut jamais question pour moi de "vivre de l'écriture". Quand bien même cela aurait été envisageable d'un point de vue économique, je ne l'aurais pas souhaité : vivre de sa parole, c'eût été tenter de l'imposer, d'en faire quelque part une vérité. J'ai toujours été trop peu assuré de sa pertinence pour cela, et il m'a toujours semblé essentiel d'être plongé dans le réel, le quotidien des projets et de leur "fabrication" pour que cette écriture poétique, qui toujours dialogue avec la vie des jours, garde quelque cohérence.
A l'inverse, j'ai su, peu à peu, que ces textes ouvraient à l'incandescence, chez certains, dans la lecture. Ce qui justifie, outre les livres publiés, qu'on les rassemble ici, ouverts aux vents de la toile...