Yovhannavank
Église St-Jean-Baptiste • Le tympan, parabole des vierges
Ererouk
Restes de la façade
Gochavank
Tympan • Chapelle de l'Illuminateur
Ketcharis
Le bac à bougies
Makaravank
Église principale • Motif polylobé
Bjni
L'église Saint-Serge
Gochavank
Le monastère vu du bas de la colline
Noradouz
Détail d'un khatchkar
Tegher
Croix sur les pierres de la façade
Tatev
Motif sur le tambour de la coupole
Geghard
Des femmes vendant leurs gâteaux
Haghbat
Église St-Signe • Les donateurs, Sembat le roi et son frère Gourguen
Areni
Pierre tombale près de l'église
Moro dzor
Chemin dans le village
Noradouz
Le troupeau qui rentre au village
Kobayr
Visage du Christ de l'abside
Erevan
Manuscrit au Matenadaran
Edjmiadzin
Église Shoghakat • Détail de la façade ouest
Sevan
L'église des Saints Apôtres et le lac
Aghitou
Une pierre tombale

Terre perdue
dans l'entre monde
peuple dispersé
comme jamais témoin
de notre devenir.


Terre précaire
depuis toujours
entre la résistance
et l'universel.

Avec des illustrations d'époque, ce livre rassemble des extraits de la "Nouvelle Géographie Universelle", publiée initialement de 1876 à 1894.

 Élisée Reclus (1830-1905) est à la fois un libre penseur, végétarien et naturiste avant l'heure, proche des idées anarchistes, qui prône l'union libre, et dont l'engagement politique durant la Commune de Paris en 1871 a failli l'entraîner à la déportation en Nouvelle-Calédonie. Mais c'est aussi un homme à la vie riche, un intense voyageur tout au long de son existence, et sans doute, aux dires des spécialistes, l'inventeur d'une géographie proche des peuples – on dirait aujourd'hui de la géopolitique. À la fin de sa vie, il se lie d'amitié avec une jeune femme, hantée comme lui par l'ailleurs, Alexandra David-Néel.

Quand il échappe à la déportation, sa peine est commuée en bannissement, il se réfugie en Suisse et va écrire cette Nouvelle Géographie Universelle, en 19 tomes, qui est publiée par Hachette. La présente édition en publie des extraits, ceux consacrés aux Arméniens.

 Le livre commence par "l'Arménie russe". L'intérêt est évidemment de se transposer en cette seconde moitié du XIXe siècle, avec une approche à la fois descriptive, mais aussi très reliée au contexte : la géographie comme science est encore en émergence. Ainsi, on découvre des noms maintenant changés, comme ce "Gok Tchaï", le lac de l'Eau Bleue, qu'on appelle maintenant le lac Sevan. En même temps, on s'amuse de certains commentaires, comme celui-ci, à propos du couvent de Sevan : "Il est difficile d'imaginer un lieu d'exil plus triste, plus accablant d'ennui que cette île de roches noires et sans végétation, dont les moines sont condamnés au silence, exceptés pendant quatre jours de l'année."

 L'auteur décrit les fleuves et leurs bassins, les montagnes (l'Ararat, l'Aragats), l'agriculture, les villes, la langue, l'analyse des traits arméniens... On glane au détour des informations ("Les instruments d'agriculture sont de construction fort rudimentaire ; on se sert encore aujourd'hui, pour séparer le grain et la paille, de grossiers traîneaux armés en dessous de rangées de silex taillés."), des adages ("L'Arménien a son intelligence dans la tête, tandis que le Géorgien l'a seulement dans le regard."), des coutumes ("la femme, astreinte au silence, du moins jusqu'à la naissance de son premier enfant, porte autour du cou et de la partie inférieure de la figure un épais bandeau de drap qui lui ferme la bouche"). Pour certaines affirmations, on est partagé entre l'intérêt de la découverte et un degré d'incertitude quant à leur véracité. D'autres sonnent comme un témoignage aujourd'hui précieux, quand on sait la destruction récente, par les autorités de l'Azerbaïdjan, des khatchkars de Djoulfa : "Les monuments les plus curieux de Djoulfa sont les tombeaux de son vaste cimetière, qui se prolonge au bord de l'Araxe sur plus d'un kilomètre et demi ; quelques-unes des sculptures tombales sont d'une grande finesse de travail."

 La partie suivante, plus courte, s'intéresse à l'état général du Caucase et son administration russe. L'approche est plus circonstanciée, plus diluée aussi dans le contexte de l'époque. Puis l'auteur aborde ce qu'il nomme "Lazistan, Arménie et Kurdistan", ce qui correspond actuellement en territoire et grosso modo à la partie turque de l'ancienne Arménie : bassin du lac de Van, Erzeroum, Bayazit, mais aussi Trébizonde... Elisée Reclus y traite aussi des Kurdes et des Yézidis.

On apprend ainsi l'importante montée des eaux du lac de Van, y compris au cours du XIXe siècle, que dans les campagnes autour de Van "croissent encore l'oranger et le citronnier", ce qu'on n'observe plus aujourd'hui. Ou encore, cette opinion, qui sonne étrangement aujourd'hui, à propos de l'Empire russe, "comme protecteur des Arméniens, comme possesseur de la ville sainte d'Etchmiadzin, il serait dans son rôle politique en demandant des réformes et l'autonomie administrative pour les frères de ses protégés."

 Livre témoignage d'une époque donc, qui vaut aussi par ses gravures, où l'on voit les familles kurdes ou arméniennes en habits traditionnels, ou bien la ville de Van au pied de la citadelle...

Les Arméniens
Élisée Reclus
Magellan & Cie (2006)
192 pages, 13 cm x 20 cm