Élie dit :
" J'ai connu des hivers de hautes eaux
où les terres basses des parcelles
se sont éteintes de toute respiration pendant des mois
Les femmes en ce pays serré de vents
nous appelaient à midi
nous, hommes de vase et d'argile molle
le temps crépitait sur les tempes
et cela seul comptait de traverser la terre
d'atteindre les ornières dures
Nous avons su des chemins déchiquetés
que notre chair à la saison aplanissait
Combien de pierres mises là
par ces gens misérables dont l'histoire s'est dissoute,
personne n'ira maintenant déterrer leurs amours
Nous marchons sur leur évocation quotidienne
cette assise des routes jointes à la terre
J'ai connu des eaux
recouvrant la mémoire d'années blanches
Aujourd'hui que tout se tient
des arbres seuls et du malheur des hommes
des plaines réconciliées
et l'écoute du chant que versent sur elles les passants du soir,
rien ne peut assourdir cette rumeur
que nos yeux tremblants recèlent. "