Nin, le soir. On entre dans le village par une voie étroite que bordent les salines.
Je regarde par dessus l'ancien rempart en ruines l'architecture exemplaire des jardins. Netteté en eux de l'écriture de l'outil, netteté de l'air aussi, mais rien dans le lointain qui ne les distingue. A peine l'air plus diaphane de la Méditerranée proche quand l'oeil dépasse les enclos.
Nous avançons vers les églises du village, bâtiments aux murs nus, à l'admirable respiration repliée. Le couchant renvoie de la mer un voile presque violet qui nimbe la chaux tiède. Maigres signes romans, hâtivement maçonnés sans doute, et depuis tant de siècles à l'équilibre intense des formes simples et de l'ampleur du message.
Comme si pour les bâtisseurs de ce peuple n'avait compté que la parole dépouillée, portant sa plus haute exigence dans sa limite reconnue. Ni l'envol de formes vers le ciel, ni la grandeur, seulement l'orbe élémentaire et sa part d'ombre oblique.
Nulle sculpture ici, aucun autre tressage que ce corps minime de pierre, enroulé, s'alliant pourtant à la lumière. Déjà l'austérité s'écrit, elle fonde la force, comme la musique très lente le battement pur.
Nin, Croatie