"Toute la terre à vif, qu'on voit" est un livre de textes poétiques de Rémy Prin, publié l'été 2007 par Parole & Patrimoine.
On y parle de lieux romans, de paysages, de chemins sur des terres improbables, de visages de femmes... mais est-ce bien ce dont parle le poète qui compte ?
Deux ensembles, dans ce livre : • "L'aigu des lieux", textes écrits pour la plupart récemment, qui font souvent écho aux pierres romanes, aux chemins de terre et d'hommes qui font dans la mémoire comme des ratures... • "Elle avait dit" est un hommage aux présences féminines côtoyées, à ces moments fugaces de partage dans la connivence claire des saisons, l'insouciance apparente du voyage, ou les temps du labeur. La musique des mots, qui est pour le poète comme l'air des territoires qu'il traverse. |
Une critique
Dans la revue "Le Picton" N° 185, de Septembre-Octobre 2007 :
« Entrer, c’est toujours de la lumière à l’ombre risquer l’inconnu… ». Ces premiers mots d’un premier ensemble de textes, L’Aigu des lieux, donne le la d’un écho troublant, la résonance des pierres romanes et des hommes en une recherche où l’auteur dit les lieux d’ici – Néré, Nuaillé-sur-Boutonne, Saint-Mandé-sur-Brédoire, Contré… qui sont à la fois ceux d’ici et tout autres –comme des figures universelles.
Le second ensemble, Elle avait dit, sonne comme un répons. Ici joue la fulgurance féminine dans les instants multipliés du monde : « Il cherchait en lui pour elle / des mots fous, sans bien savoir, / des mots comme des voiles et le vent / il cherchait comment lui dire… ».
Toute la terre à vif, qu'on voit • Éditions Parole & Patrimoine • Parution : aôut 2007 • 144 pages • Format 12 x 19 cm • Prix public : 10 € • ISBN : 978-2-9529904-0-9 |
Ce qui fait un livre...
Comment les poèmes, écrits un à un dans l'avancée du temps, deviennent un livre ? Comment cela, qui semble épars, se rassemble, tisse un objet, tente un dialogue avec celle ou celui qui ouvrira les pages ?
La parole poétique ne crée pas le récit, elle crée de l'incandescence, musique et sens dans le mille-feuille des mots. Le poème ne brûle qu'un temps court, de multiples fois répété. Celui qui l'écrit est cette abeille, ce voyageur qui s'abreuve des lieux qu'il parcourt, des femmes qui le touchent, des gestes, des lumières, des instants... Dans le moment de l'écriture, pense-t-il parfois à celui qui le lira ?
C'est plus tard, avec la distance du regard, qu'on agrège, qu'on décèle les filiations, les échos, ce qui soudain se succède, ce qui se répond, des pierres romanes aux instants amoureux.
Le poète est baigné constamment des voix multiples, traces modestes, bribes surprises au monde, aux êtres... presque rien, un geste une phrase qui soudain décalent le monde. Il creuse alors, dans le moment d'écriture, les mystères de la langue et de l'amour mêlés, de l'inépuisable comme autrefois cette histoire de l'enfant qui voulait vider la mer.
Cela s'agrège un jour pourtant, comme on tendrait dans l'espace des toiles ou des lignes, le poète est l'architecte du fluide, il ne fait pas récit mais tresse des assemblages, crée de l'imaginaire en dialogue, tisse des réseaux. La scansion des pages, ce doit être comme le corps respire. Et c'est pourquoi aussi il faut au livre des rencontres, celles qui le suscitent, celles qui en reconnaissent la voix, celles qui le prolongent.