Souvent dans ce jardin qu'elle aimait, il la voyait lever de l'ombre son regard sur la terre
Elle venait, dans le matin peut-être, de reconnaître cette lumière qui naissait au-delà des palisses, d'y fondre ses propres gestes.
Qu'était cette écriture ouvrant le sol, où d'une allée à l'autre la ligne incertaine fragmentait l'argile ?
Qu'était ce rythme aussi déterminé, aussi fragile, son visage parfois juste au repli du végétal respirant l'apaisement, repoussant la douleur ?
Dans ce parcours du jardin elle faisait de l'espace un chant comme on agrège les rythmes et la voix et dans l'enfance blonde alors les journées revenaient plus exactes et douces que jamais.
Il y avait des années qu'ils éprouvaient ensemble cette terre dure, cherchant dans son émiettement le pourquoi de la parole, de la distance, oeuvrant sans trop savoir pour cette pluie friable au bord des lèvres.
D'une saison l'autre, à peine la terre autrement tracée, les branches moins révolues que leur corps, et le soir couvrant lentement la jeunesse des germes.
De la voir ainsi, quand l'air exactement autour d'elle s'incarnait en espace, il savait un langage plus mobile et silencieusement multiple, dans ce gisement de mémoire où son corps se diluait.
Parcourir encore cette dispersion légère, le pas marque à peine la terre, il ne déchire rien qu'à peine le silence et dans l'air le regard dissout ses preuves, ses angoisses.
Revenir à ce jardin où tant de fois cette respiration venue d'ailleurs l'avait saisi, quand il contemplait au-delà d'elle l'épure de la terre, et c'était bien ce même langage alors mobile légèrement, propagé.