C'est le carnet qu'on prend avec soi mais sur lequel jamais on n'écrit quand on est sur le lieu même, tant celui-ci, toujours ou presque, vous prend, vous surprend, fait vous déprendre du cours de la réalité banale qui vous occupait...
Qu'est-ce qu'un lieu ? Les mots qu'on jette sur le carnet le soir en rentrant, cherchent à faire trace, dans la fébrilité encore de l'intense, de cela, le lieu rencontré, ce qui tient bien sûr de la permanence séculaire des pierres romanes, mais aussi plus subtilement du moment – lumière, saison, rumeur du temps... Ensuite, bien plus tard, des mois, des années, ce qu'on a griffonné fait mémoire de l'instant du voyage.
Et l'on franchit le seuil alors qui vous ouvre à un autre voyage, plus vrai peut-être que le premier, où les instants des pierres dans les villages ou les villes se tissent avec tout le réseau de l'imaginaire, les livres où ces lieux font trace aussi, les questions béantes des images qui laissent le corps à vif, l'histoire en fragments qu'on remonte parfois... Jamais un lieu ne laisse indemne, pour peu, dès qu'on arrive, qu'on le laisse venir en soi comme sur le sable la mer, pour peu qu'on ait fait place nette.
C'est cette sorte de rencontre première qu'on trouvera dans ces pages, en des parcours principalement dans ces régions d'ouest et du sud où la douceur de la lumière a sans doute quelque partie liée avec celle des pierres elles-mêmes. Du carnet initial, de ses mots entassés à la hâte, il reste peu, sauf, j'espère, l'essentiel, l'interrogation sur le lieu et sa rencontre, ce qui fait l'irréductible de l'imaginaire et du réel confrontés.