|
Dans la guirlande, il y a toujours des fils qui relient.
Des motifs qui se répètent à l'entrelacement, et des entrelacs aux liens entre les objets du monde, il y a une continuité dans la création de ce que nous avons tendance à nommer aujourd'hui des systèmes visuels. Les imagiers romans bien entendu n'ont pas dans leurs bagages culturels cette notion de système, mais ils l'expérimentent, donnant à voir ce qui se tient ensemble.
Les objets du monde qu'ils mettent ainsi en lien, ce sont parfois des visages humains ou des silhouettes, mais bien plus souvent des figures du bestiaire. Parce que leur fil fait référence au végétal, aux plantes de la nature, même s'ils en font un signe visuel plus abstrait, le lien est un élément du monde. Et aussi, parce que les bêtes, réelles ou fantasmées, sont au cœur du monde médiéval. Celles de la forêt mystérieuse comme les loups, celles qui impressionnent comme les lions, mais aussi celles qui viennent d'ailleurs, à qui on prête des vertus comme les griffons, ou qui incarnent le mal comme les dragons.
Et les imagiers mêlent intimement ces deux versants du vivant. Au portail sud d'Aulnay, on voit un griffon la tête tournée vers l'arrière : sa queue se transforme en volute végétale à deux branches dont l'une passe sous son corps. Il est lui-même entouré par deux tiges souples, qui se rejoignent de chaque côté, dans un petit visage de monstre dont la bouche est la source de nouvelles volutes. Le végétal se mêle à l'animal dans une danse qui emplit l'espace et, en quelque sorte, constitue le réel.
La frise, à Salles d'Aulnay, montre un exemple plus proche de la mise en motifs traditionnelle. Mais là aussi, l'imbrication du végétal et des petits dragons est patente : le feu qu'ils crachent est semblable au lien végétal et à leurs queues qu'il prolonge. À Marignac, c'est un lion qui s'emmêle au réseau des tiges souples, et un oiseau à La Lande de Fronsac. C'est une sorte de continuité du monde aussi que montrent, de la même manière d'un site à l'autre, les imagiers, une sorte d'hommage à tout ce qui vit et pousse sur la terre.
Une continuité qui ne s'arrête qu'aux limites de la forme architecturale : les frises courent sur la pierre tant qu'elles peuvent. C'est le propre de la guirlande : relier les maisons pour la fête, tisser au-dessus de la place du village les lampions ou les petits drapeaux, montrer que cela pourrait ne jamais s'arrêter, ces fils qui relient tous les objets du monde.
|