Comme ailleurs, la survivance de l'ikat en Asie Centrale est problématique. Ou du moins, à la fin de l'Union Soviétique, la production est passée par une phase précaire : à Marguilan, dans la vallée du Ferghana, on avait implanté une usine qui fabriquait de la soie imprimée aux motifs d'ikats. Par contre, les artisans de l'ikat étaient parfois réprimés.
Depuis l'indépendance de l'Ouzbékistan, au début des années 1990, le pouvoir en place a valorisé certains aspects identitaires du pays, et notamment l'ikat. Certains grands couturiers occidentaux s'y sont même ponctuellement intéressés, pour créer quelques collections de vêtements haute-couture. Du coup, les habitants se sont en quelque sorte “ retrouvés ” collectivement à travers ces tissus.
À la fin des années 2000, de nombreux ateliers d'artisans autour de Marguilan notamment ont repris le tissage des ikats en soie, mais en les faisant évoluer vers le “ goût du jour ” : des fils de lurex brillants parsèment les tissus, les couleurs deviennent plus criardes et les vibrés de l'ikat moins précis. Mais au grand bazar de Marguilan en 2011, des dizaines de stands proposent à la vente uniquement des ikats au mètre, que les gens achètent pour en faire des panneaux ou des robes pour les femmes. Ce n'est plus tant une vision religieuse qui mène ce mouvement que le sentiment d'une appartenance retrouvée, et d'une différence qu'on souhaite affirmer aux yeux de tous.
Au Xinjiang, c'est un mouvement du même ordre qui s'est fait jour, mais la population ouïghoure et musulmane de cette région de la Chine est confrontée à une interaction difficile avec le pouvoir central. La tradition de l'ikat se mêle ici à l'appartenance qu'on veut préserver et à une forme de résistance implicite, où le religieux prend sa part.