Du périple dans la ville, on retient cette montée, rues en détours, maisons qui s'étagent peu à peu.
L'histoire
Il y eut ici une première cathédrale, dès le IVe siècle. Puis une autre, au VIe siècle. Et une autre encore, consacrée elle au début du XIe, et qui ne dura qu'un siècle. Celle qu'on voit aujourd'hui, construite dans le premier tiers du XIIe siècle, est l'œuvre d'un homme exceptionnel, Girard II, l'évêque du lieu. Normand d'origine modeste, il fait des études brillantes à Paris, devient précepteur des comtes de Périgord, chanoine à Périgueux, puis évêque d'Angoulême en 1102. Cinq ans plus tard, le pape qui a remarqué ses qualités, le nomme légat pour l'Aquitaine, un territoire qui va de la Bretagne aux Pyrénées.
C'est la période de la réforme de l'Église, que Girard mène avec fougue. Il veut comme emblème de ce nouvel âge, une nouvelle cathédrale, pour ce centre régional de la chrétienté que devient la ville. Nouvel édifice qui porte l'esprit du temps, qui témoigne du renouveau de l'Église et de la papauté. Grand voyageur, Girard est ébloui par le travail des sculpteurs à Toulouse, à la grande basilique Saint-Sernin. Il en fait venir certains, qui vont créer à Angoulême une façade somptueuse.
La façade
Même aujourd'hui, malgré les restaurations douteuses du XIXe siècle et malgré les contraintes urbaines qui laissent peu de répit au regard, on est frappé par la grandeur de cette façade. Elle figure le monde terrestre s'élevant à travers l'Église et les apôtres vers le Dieu de vie, celui qui par son Ascension va vers le ciel, et qui reviendra à la fin des Temps.
Les imagiers venus du Languedoc font merveille, ils mêlent avec bonheur des frises et des motifs exubérants qui décorent de grandes arcades, ainsi que de grandes images représentant la Vierge et tous les apôtres, des anges en nombre, et le Christ en haut, dans sa gloire, enveloppé par sa propre parole à travers les symboles des évangélistes.
Ces figures, qui disent le renouveau de l'Église, sont aussi les vecteurs d'une révolution artistique. Ces images, agrandies, qui montrent les gestes, la souplesse des corps, témoignent d'une nouvelle vision que l'homme se donne alors à lui-même. Est-ce parce que l'Église cherche à mieux établir son pouvoir, à mieux communiquer dirait-on aujourd'hui ? On affine les visages, les vêtements deviennent plus fluides, on occupe l'espace, on rend le message plus limpide. C'est une nouvelle présence de la vie que célèbre cette façade.
Une citation
Au sommet, le Christ dans sa gloire, entre les quatre animaux de l'Apocalypse, au sein des anges et des phalanges des bienheureux, centre de toute vie et de toute félicité, attirant à lui tous les élus dont il est la récompense. Le Christ, dans son triomphe, la tête sur le nimbre crucifère, souvenir jusque dans le ciel de la passion douloureuse, ouvrant les bras à tous les élus. Les anges, intermédiaires entre Dieu et nous, nous invitant aux joies de la sainte patrie; l'Église militante séparée, par la lourde enveloppe des corps, du séjour où les corps sont transfigurés.[...] Tel est le plan simple et grandiose de cette épopée de pierre.
Bulletin de la Société archéologique et historique de la Charente, Girard, évêque d'Angoulême, légat du Saint-Siège (1864), gallica.bnf.fr