C'est une route de fin d'hiver, quand la lumière n'arrive pas encore à laver tout le ciel, qu'on la sait présente mais recluse encore, à la merci de l'heure, ou du moindre nuage.
L'entour
De loin, ce qu'on voit d'elle, c'est une sorte d'austérité, d'équilibre, qui tient à ses volumes lisibles, à leur hiérarchie, à leur découpe nette, à l'exactitude modeste du clocher, au saillant du transept. Et puis on distingue les arcatures tout autour de l'abside, dont certains arcs sont percés de fenêtres. On s'approche, on détaille les modillons naïfs de l'abside, on s'aperçoit que les chapiteaux sont nombreux, qu'ils portent de petites figures (végétal, dévoration, bestiaire...). Impression de fouillé, d'imbrications, de peuplement des volumes. Le chant sculpté qui ne s'arrête pas, qui vous prend au hasard de sa mélodie, vous mène de regard en regard, vous fait marcher pour le suivre d'un motif ou d'une scène historiée à l'autre.
Devant le portail, c'est la surprise de ce tympan, bien modeste pourtant, qui émerge à peine des voussures, devant la nudité de la terre. Les lignes des courbes singulières rompent l'arc en plein cintre, elles obligent l'œil à l'attention. Et la présence intense des motifs entourant l'image crée une sorte d'incertitude que le soleil blafard ne lève pas.
De près, dedans, dehors
De près, on voit les traits puissants de l'imagier sur la pierre, dans les motifs comme dans les images, un relief fort, exact mais sans grande douceur. Des silhouettes des anges qui entourent l'Agneau, de leurs ailes, des plis de leurs vêtements émane une densité brute, ou qu'on croit telle. Car tout, pourtant, est finement travaillé. Présence intense aussi, dans les voussures, des bêtes fondues dans les rinceaux, ou des entrelacs qui tendent sur le monde la rigueur gonflée des vies.
À l'intérieur, c'est d'abord la lumière sur les piliers blancs des colonnes qui séparent la nef des deux étroits collatéraux. Les maigres rosaces des chapiteaux sont à l'unisson des petites arcades. Variations du blanc, de la simplicité qui apaise, qui courbe la lumière vers l'intérieur de soi. Les chapiteaux du chœur, eux, font dialogue avec ceux de l'extérieur, fouillés, précis, petits visages, petits êtres vivants, formes végétales retournées, gonflées d'elles-mêmes. Mais ici, la blancheur de la lumière les atteint de biais, les révèle au plus creux de la pierre.
On sort. Le soleil pâle a gagné sur le tympan, il fait les plis plus présents aux vêtements des anges. On resterait ici longtemps, à voyager entre le dehors et le dedans, à percevoir ce que la lumière change à peine, ce qu'elle dévoile, ce qu'elle recouvre. D'un visage, d'un corps d'animal. Comme si nous avions besoin pour comprendre une peu mieux le monde de ce balancement du regard sur les pierres, d'accroître la confiance dans l'incertitude, dans ce qui passe.
Une citation
C'est une des églises les plus séduisantes par son cadre, au milieu des champs, ainsi que par ses formes totalement romanes. L'église est élevée vers 1150 par des moines de l'abbaye de Charroux en Poitou, dont elle dépendait.
Marylise Ortiz, Églises de Charente, Art et Tourisme (1992)