Aulnay de Saintonge, Poitou
Visages des vertus, portail ouest
Argenton les Vallées, Poitou
L'Époux et une vierge sage, portail ouest
Melle, Poitou
Église St-Savinien, voussure du portail sud
Nuaillé sur Boutonne, Saintonge
Un roi mage, portail ouest
Poitiers
Façade de Notre-Dame la Grande, la Visitation
Aubeterre sur Dronne, Angoumois
Chapiteau du portail ouest
Bussière-Badil, Limousin
Chapiteau de la nef
Civray, Poitou
Zodiaque, les Gémeaux, portail ouest
Angoulême
Un ange, façade de la cathédrale
Rétaud, Saintonge
Chapiteau pilier de la façade ouest
Souillac, Quercy
Visage d'Abraham, ancien trumeau
Marignac, Saintonge
Chapiteau de la croisée du transept
Besse, Limousin
Adam et Yahvé, portail ouest
Moissac, Quercy
Visage de saint Paul, trumeau du portail
Rioux, Saintonge
Arcature façade ouest
Lamairé, Poitou
Oiseaux à la nacelle, chapiteau portail ouest
Lichères, Angoumois
Voussure du portail ouest
Beaulieu, Quercy
Le Christ, tympan du portail
Oloron Sainte-Marie, Béarn
Vieillards de l'Apocalypse, portail ouest
Saintes, Saintonge
Abbaye aux Dames, arcade latérale
Vouvant, Vendée
Modillons de l'absidiole nord

Les monstres, la violence,
les images en réseau
sur l'édifice.

La rigueur des modèles,
l'imaginaire,
la création...

Quel écho de l'art roman
n'est pas contemporain ?

Airvault, c'est la vallée d'or, nous dit l'étymologie du lieu. Pourtant, après s'être rangé à mi-pente, la descente vers ce grand clocher incongru semble étrange.

airvault ens Si l'on devine bien le val, les maisons entassées n'offrent qu'une vague trace de ce que fut le bourg médiéval. Il faut arriver en bas, près de l'église, des halles, pour que le lieu respire, pour discerner dans les ruelles le poids du temps. L'abbatiale est engoncée tout au creux, aujourd'hui presque couverte par les maisons du val. La mémoire comme souvent ne se laisse dévoiler qu'à pas lents, répétés, dans le parcours insistant qui cherche à déceler quelque cohérence. La mémoire, ou plutôt l'image que renvoie le patrimoine, le lieu, en conjonction avec elle.

 

L'édifice

Le chevet, dans son emmêlement d'absidioles, ses niches, la variation de ses fenêtres offre au regard sa puissance et cette sensation imperceptible de formes hybrides. Comme si la force de l'architecture reprenait son souffle, en se déclinant autrement. On tourne, on va vers l'ouest. Autrefois sans doute lieux de vie, et qui tissaient avec l'édifice une intimité subtile, les entours de l'église sont aménagés maintenant, lissés. À force de mettre en exergue le patrimoine, on l'assèche, on le coupe de ses mémoires, de ses sources.

Devant la façade ouest, on oscille entre la grandeur et l'incertitude : ajoutée en avant de l'édifice dans la seconde partie du XIIe siècle, elle porte des asymétries, les restes d'une grande statue équestre. Présence ambiguë de la puissance, de la richesse peut-être de ce lieu, qui ne sait affirmer vraiment une cohérence.

Il faut entrer, passer le narthex, ses piliers massifs, ses arcs lourds pour atteindre une ampleur où le corps résonne, s'ouvre à l'ailleurs dans une quête douce. Pourtant la voûte n'est pas romane, elle date du XIIIe siècle, quand les moines couvrent leur église en style de l'époque, celle des Plantagenêts. Mais les nervures sont légères, elles font au sommet intérieur de l'édifice comme un chant tranquille, qui n'entrave en rien l'élan retenu de l'architecture romane.

Images

On se laisse aller alors aux images, qui sont ici variées, puissantes, et pourraient parfois sembler étrangères les unes aux autres. Mais la cohérence de l'espace les rassemble. Nous les parcourons dans la quiétude, dans une admiration presque distante, éblouis des styles, des virtuosités.

Le tombeau de Pierre de Saine Fontaine Détail des figures du tombeau Chapiteau du rond-point du chœur, Adam et Ève

Au transept nord, le tombeau du premier grand abbé, Pierre de Saine Fontaine, le bâtisseur de l'abbatiale. Ce nom d'abord, saine fontaine, que je mets en écho sans raison avec cette abbatiale proche de la fontaine, au creux de ce val doré. Et la pierre tombale et ses images : neuf personnages qui ont perdu leur visage, figures absentes, silhouettes de pèlerins, de prêcheurs, d'hommes du temps aux vêtements ouvragés. Chacun est juché sur un socle, inséré entre deux colonnes et sous un petit arc en plein cintre. Et tout autour de riches motifs. On couvre la mort de ces personnages en rythme, au cœur de la forme fondatrice de l'architecture.

La tombe est au sein d'un enfeu. Au-dessus de lui, une rangée de modillons : frustes visages d'hommes qui interrogent l'homme qui passe, de leurs traits sommaires, entre l'angoisse et la sérénité.

Et puis des chapiteaux à foison, en haut des grandes piles, dans la nef, dans le chœur : des travaux des mois des paysans jusqu'à Adam et Ève, de la luxuriance du vivant au végétal ciselé, fouillé dans ses reliefs et ses rythmes... On puise dans les déclinaisons des images, on sait qu'on ne les épuisera pas, on va et vient, bercé par le regard. On brode, à la fois l'espace, la pierre et le temps.

Une citation

Les scènes sont animées par les drapés et le flottement des étoffes, le geste des bras et des jambes. Même s'il a trouvé son inspiration dans quelque image peinte, [le sculpteur] a su traduire ses propres émotions. Son traitement des personnages le révèle ; il n'est que d'observer le corps tassé d'Ève repentante...

Marie-Thérèse Camus, Élisabeth Carpentier, Jean-François Amelot, Sculpture romane du Poitou, Picard (2009)