Il faut venir ici par le nord, par les bois. Et encore à l'écart du grand passage, par le petit chemin qui serpente : alors on découvre le chevet ensoleillé, au-delà de la vigne ou des orges.
Et quand on arrive, l'édifice est à flanc de village, qui semble massif, fermé presque, avec des contreforts tout autour.
Des chapiteaux, surtout
À l'intérieur, la vision première est encore celle des ruptures : les chapiteaux du chœur outrageusement peints, la baie gothique au nord de l'abside bouchée d'un plastique qui bat au vent. Tout semble vieux, rarement ouvert. On marche dans la rumeur fermée des greniers à poussière. On se dit que tout cela va s'effacer lentement de la mémoire des hommes, que seules les vieilles gens viendront bientôt ici, pour quelques fêtes, accrochées à leurs souvenirs.
Ce sont les images comme souvent qui alors vous appellent, du creux de l'absence. Pour celles colorées, voire barbouillées, du chœur, vous avez ce chemin d'oubli à parcourir en vous, imaginer l'effacement ou un autre monde plus subtil des couleurs, en écho avec celui des fresques, ou des manuscrits. Alors, la naïveté de la pesée des âmes ou de l'homme qui tient les serpents pourra vous toucher. Mais vous aurez en vous d'autres images, et vous vous demanderez sans doute quelle incompréhension a pu motiver ces recouvrements hâtifs.
À la croisée du transept, les chapiteaux, dans le brut de la pierre, écrivent un chant bien plus lisible, même s'il n'est pas, peut-être, celui de l'origine. Ici, les animaux juchés sur eux-mêmes, dont les queues se prolongent en volutes qui les assemblent, donnent à voir le vivant gonflé de lui-même. À côté, les oiseaux luttent ou dialoguent avec les lions, et c'est la même présence mêlée, détaillée, fouillée. Qui naît des interactions, des relations multipliées de ces animaux entre eux, aux corps emplis, souples. On pense bien entendu à ces images si parentes de Saint-Eutrope à Saintes : même intensité, même tissage si affirmé, presque violent, des bêtes entre elles.
Une citation
L'imitation du décor de la prestigieuse église de Saintes est si fréquente que l'on est en droit de se demander si les modèles des quelques corbeilles d'Arces qui paraissent échapper à cette emprise n'ont pas été apportés par le sculpteur venu de Saint-Eutrope qui les aurait tirés d'œuvres de ce monument aujourd'hui disparues.
Jacques Lacoste, Arces sur Gironde, in La Sculpture romane en Saintonge, Christian Pirot éditeur (1998)