L'île en question est une langue de terre entre deux bras de la Boutonne, cette rivière qui se multiplie dans cette vallée si plate qu'on ne la discerne pas.
Cet endroit a été donné au début du XIIe siècle à la puissante abbaye voisine de Saint-Jean d'Angély. Et ce sont les bénédictins qui ont aménagé les lieux, fait construire l'édifice actuel.
Portail et chapiteau
Quand on s'approche, au bout de la petite allée d'arbres, c'est le portail d'abord. Simple comme la façade. Mais le décor des arcs, quand l'œil détaille, est d'une extrême finesse : les fleurs de marguerite stylisées, à huit pétales, ne tiennent au support de pierre que par leurs extrémités. Prouesse de l'imagier, et relief soudain fragile.
Tout à côté, le chapiteau côté nord. Le Nord, c'est le froid, le sombre, et l'art roman en fait le versant du mal, du diable. On le voit justement là, le diable, qui est aux prises avec un drôle d'oiseau. Tête et patte de coq, mais un corps de serpent avec une longue queue. Ce drôle d'oiseau, on l'appelle au Moyen Âge le basilic. On dit qu'il naît d'un œuf pondu par un vieux coq, et couvé par un crapaud. Faire très attention au basilic, il est très venimeux, il peut vous tuer d'un seul regard. Seul recours : retourner son image vers lui par un miroir avant de croiser ses yeux. Le basilic est le mal absolu de l'image.
Du mal à la violence
Et le mal préoccupe en premier les imagiers romans. Quand on entre dans l'église, sur le mur de la nef, toujours côté nord, deux scènes figurent la violence, qui est aussi bien sûr le mal absolu. Ces scènes sont presque à hauteur d'homme, elles sont là pour toucher le regard. D'abord une lutte entre deux hommes, armés de fléaux et d'un grand bouclier. C'est la violence proprement humaine, celle symétrique, entre nous, celle où chacun croit pouvoir dominer l'autre, se nourrir de lui, s'affirmer en gagnant le combat. Celle qui en fin de compte nous détruit. Et tout à côté, un chevalier avec son épée et son bouclier, en train de combattre un dragon à double tête. Voici la lutte bénéfique, le chevalier contre la figure du mal.
Quand on va vers l'abside ensuite, au dehors, à deux pas du bief étroit, que la rondeur romane sous la lumière porte à la nonchalance, on revoit image par image cette chaîne du maléfique, des violences inscrites là dans les pierres, comme une volonté patiente de susciter la réflexion de celui qui passe. Que savons-nous faire des images, depuis des siècles qu'elles nous tendent leurs évidences ?
Une citation
La petite voussure est ornée des habituelles marguerites à huits branches, mais elles ont ici quelque chose de particulier : elles sont entièrement séparées du claveau qu'elles recouvrent et ne tiennent à la pierre que par leurs pointes du haut et du bas. Chaque fleur constitue donc un joli travail de sculpture, en même temps qu'un véritable tour de force.
Charles Connoué, Les églises de Saintonge vol. III, Delavaud (1957)