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Ceci vaut pour tous les emplacements où la sculpture prend place dans une église, mais est particulièrement vrai pour le chapiteau. Et l'on sait que la contrainte est une des conditions de la créativité : les imagiers romans ont poussé jusqu'à l'extrême l'exploration des limites à ne pas dépasser pour que le chapiteau " tienne " et tienne son rôle architectural.
Petit parcours, en commençant par la croisée du transept de Parthenay le Vieux, vers l'an 1100, au moment donc où les figures commencent d'investir, en Poitou, la sculpture romane. Ces sirènes, si expressives dans leur facture pourtant encore simple, laissent voir le support sous elles et la forme " nue " de la corbeille. Les corps sont comme plaqués sur elle, mais ils suivent tout de même les deux arêtes du chapiteau, en le renforçant donc.
À peu près à la même période, voire même un peu après, à Consac en Saintonge, on adopte une attitude traditionnelle vis-à-vis de la sculpture des chapiteaux. Certes, ceux-ci ne portent que des motifs géométriques simples, mais ils ont peu de relief, et ce décor suit au plus près la forme architecturale sous-jacente.
À la façade ouest d'Aulnay – on approche là le milieu du XIIe siècle – la figure, à l'inverse des exemples précédents, fait presque oublier le chapiteau. Le relief est saisissant de ce monstre inspiré de l'Orient, il apparaît comme libéré de toute contrainte. Ce n'est pourtant pas le cas, mais l'imagier a exploité au maximum le contexte de l'architecture : ce chapiteau repose sur deux colonnes jumelles, ce qui permet d'évider sa partie centrale et de garder les forts volumes de matière de chaque côté, ainsi qu'à son sommet.
Au sud du portail, à Oloron Sainte-Marie, le chapiteau aux deux monstres symétriques décline bien lui aussi la loi du cadre. Les têtes et corps des monstres suivent aussi les deux arêtes. Mais comme les figures n'occupent pas toute la hauteur, elles sont prolongées par le support de la corbeille taillé en forme de large arête. De même, au milieu de la corbeille, prolongeant les pattes, un petit contrefort vertical rejoint le tailloir, et deux fortes volutes rejoignent en courbe les arêtes. Ainsi, la plupart des chapiteaux sont pensés et créés à partir de cette contrainte architecturale, contrainte que le regard oublie vite, tant l'invention du décor et des figures fait prégnance, et que l'effet d'image prend le pas sur le reste.
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