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En Saintonge, Poitou, Angoumois, la majorité des portails sont dits à voussures. C'est-à-dire qu'ils sont constitués de plusieurs arcs le plus souvent en plein cintre reposant de chaque côté sur des colonnes par l'intermédiaire de chapiteaux. Ces arcs, qu'on nomme donc voussures, sont emboîtés les uns dans les autres, du plus grand au plus petit, dans l'épaisseur du mur de façade.
Cet emboîtement, tout comme le décalage des colonnes, crée un effet de guide visuel pour le corps du fidèle qui arrive, d'autant plus que souvent, comme à Fenioux, il faut gravir quelques marches pour atteindre le seuil. Le portail est un appel au corps pour qu'il entre dans l'église, et il est conçu pour que cette entrée soit un acte réfléchi. Plus précisément, il suscite lui-même la réflexion de celui qui entre.
Le corps qui s'engage dans le portail est comme accompagné vers le seuil lui-même, dans une sorte de fluidité du mouvement que rien ne vient interrompre. Ce faisant, il parcourt du regard les sculptures des voussures, les images et l'ornement l'accompagnent comme la forme architecturale, sans rupture jusqu'à l'entrée. Ces sculptures peuvent être comme à Fenioux des figures plus ou moins au long des voussures, ou bien, comme à Nuaillé, perpendiculaires à celles-ci sous forme de claveaux qu'on dit rayonnants. Cette dernière solution, sans doute plus ancienne que celle adoptée à Fenioux, participe de la convergence vers le seuil. Elle offre aussi des figures plus immédiatement lisibles, mais plus petites puisque limitées à un claveau.
À Chadenac, on a adopté la même solution qu'à Fenioux. Les images du portail à voussures n'arrêtent pas l'œil, on passe sous elles, elles distillent leur message, les histoires qu'elles racontent, par fragments, là où le regard se pose en passant ou quand on fait une pause pour admirer, ou comprendre. Comme les voussures, les images au fond protègent et préparent au passage de ce monde terrestre des jours et des saisons, vers cet autre monde, en chemin vers Dieu, vers l'intérieur. L'intérieur de l'église et l'intérieur de soi.
Parfois comme à Besse, le motif est plus présent que l'image, mais le processus au fond est le même : se préparer à ce changement profond, passer par le voile de l'abstraction, se purifier en quelque sorte du trop plein du quotidien. Dans tous les cas, le mouvement est fluide : ni l'image, ni l'architecture ne cherchent à briser ce passage du corps du dehors vers le dedans.
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