Simple voile, petit bonnet de coton, ou hennin sophistiqué, chaque femme, quelle que soit son appartenance sociale ou religieuse, se doit de couvrir ses cheveux de l'un de ces éléments. Déjà, dans l'ancienne France, " L'usage du bonnet ou de la coiffe en toile ou en mousseline blanche est systématique chez les femmes du peuple " *
Le temps des coiffes
La coiffe paysanne consiste le plus souvent en une pièce de tissu simplement nouée et drapée autour de la tête. Au XVIe siècle Bruegel peint les paysannes coiffées d'une seule pièce en toile, assez longue et drapée. La forme évolue au cours des siècles – comme le montrent les tableaux de Clouet et de Le Nain – en s'allégeant et en se raccourcissant.
Mais au début du XIXe siècle, au simple rôle utilitaire que jouait le bonnet à la française porté par les paysannes, va se substituer un rôle essentiellement social. Le bonnet, se transformant en coiffe, va devenir le véritable signe d'identité de la femme du peuple. Cette évolution va débuter après la Restauration, vers 1815 et la guerre de 1914 en achèvera le déclin. L'heure de gloire des coiffes correspond aux heures de gloire de la paysannerie française.
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette évolution. En ce début du XIXe siècle, on assiste à une libéralisation de la société paysanne. L'abolition des lois somptuaires qui interdisaient aux femmes du peuple de porter de la soie ou des dentelles est un premier facteur. Le second est l'affaiblissement du pouvoir du syndic qui répartissait les impôts selon les signes extérieurs de richesse. Les paysannes peuvent donc dorénavant sans crainte des lois ni des taxes, transformer leur petit bonnet anonyme et sans cachet en coiffure personnalisée plus ou moins luxueuse, symbole de leur statut social.
* Michel Figeac, L'Ancienne France au quotidien, Armand-Colin (2007)
Les premières coiffes
Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, les coiffes sont discrètes, en simple toile plissée à l'ongle. Puis au début du XIXe siècle, d'un secteur géographique à l'autre, on assiste au même envol de création au même moment. Un des traits spécifiques de ces modèles est leur ampleur, comme on peut le remarquer sur certaines coiffes originaires entre autres de Mauzé, ou encore de Marennes où les formes ont très peu évolué.
Ce sont les lingères qui dans chaque commune vont contribuer à l'évolution des coiffes. Pour toute coiffe, quelle que soit la région, on a les mêmes éléments de départ, c'est par leur forme, leurs dimensions, les matériaux utilisés, les broderies que chaque type va se définir et que chaque coiffe va devenir signe d'identité.
Au départ, c'est le volume plus ou moins démesuré qui va transformer le bonnet en coiffe. Cette dernière est en linon fin, sans dentelle et dont la seule fantaisie réside dans le plissé à l'ongle. S'il y a de la dentelle, elle est assez grossière, réalisée à la maison. On achète seulement le linon, le matelassage est fabriqué par des femmes à la tâche, enjolivé par des crayonnages ou par des passages de fils dans la région de Niort. Ce n'est qu'au milieu du XIXe siècle qu'on voit apparaître des broderies provenant des régions de l'Est sur les coiffes autres que les Créchoises et les Pèleboises, ces dernières étant brodées sur place.
Il est difficile de trouver de ces anciens modèles pour différentes raisons. D'une part, les femmes ont utilisé les broderies et les dentelles pour en confectionner des modèles plus récents. Et certains ont été détruits à la dernière guerre, la pénurie favorisant le réemploi des matériaux pour en faire des cols, des pochettes. D'autre part, les calottes matelassées ont souvent été transformées en couches d'enfant. Enfin, les chiffonniers ont acheté des broderies et dentelles... On peut aussi regretter les destructions inconscientes de groupes folkloriques, coupant et découpant les modèles originaux, ou les portant trop fréquemment.
L'évolution des coiffes
La plupart des coiffes vont voir leur taille largement diminuer au profit de l'ornement. Si au départ, on se rend chez la lingère de sa commune pour se faire confectionner sa coiffe selon les critères du lieu, peu à peu les habitudes vont changer. On circule davantage, on a plus d'argent, on ne veut pas porter la même coiffe que sa mère ou sa grand-mère.
Certains modèles vont ainsi disparaître au cours du siècle, victimes de phénomènes de mode. Ainsi, les jeunes filles de Gournay préfèrent-elles le modèle de Melle, chef-lieu de canton à celui de leur petite commune. Le même phénomène se reproduit pour le Champanais de St-Jean d'Angély que choisissent les jeunes de St-Pierre de Juillers ou de Cherbonnières au détriment du modèle d'Aulnay, commune référente. On assiste donc tout au cours du siècle à la disparition des modèles des petites communes au profit des modèles des chefs-lieux de canton ou d'arrondissement.
Cette évolution est flagrante lorsqu'on regarde certaines photos de mariage de l'époque où l'on voit les différents types de coiffes que portent les femmes selon leur âge. Un dessin de Lalaisse, qui date de 1844, représentant les costumes des paysannes des environs de Niort, témoigne aussi de cette évolution.
On peut dater les coiffes grâce aux matériaux utilisés et à leurs formes car la plupart ont été modifiées au cours du temps. Ainsi, au début, les dentelles sont faites à la main sur place, elles sont parfois grossières et plutôt rares. Puis, on passe à la dentelle mécanique beaucoup moins chère qu'on se procure facilement auprès des colporteurs ou sur les foires. Les rubans de par leur qualité, leur aspect, varient également tout au long du siècle, permettant de situer la coiffe.
Le déclin des coiffes
Le déclin s'amorce pour certains types comme le Champanais dès les années 1880-1890. Cependant ce déclin ne s'est pas effectué au même moment pour toutes les régions. Dans la région de Cognac par exemple, les femmes ont cessé assez tôt de porter la coiffe. Ce territoire, assez riche, ouvert sur l'extérieur de par le commerce du cognac, subit plus tôt l'influence urbaine.
Une photo de classe, au village du Gicq, qui date de la fin du XIXe siècle, montre des fillettes d'une douzaine d'années en costume, sans coiffe, mais dont les cheveux sont relevés formant deux cornes qui servaient de butoir pour poser la coiffe du Gicq en forme de sabot, ce qui témoigne que cette génération a porté la coiffe. |
Les femmes adoptent la mode parisienne grâce aux catalogues du Bon Marché ou du Printemps. Seules certaines vieilles femmes vont garder encore leur coiffe ainsi que le montre une photo de mariage, prise à Thouars.
Lorsque les Vendéens arrivent dans la région après le phylloxéra vers les années 1890, les femmes portent encore leur coiffe mais vont vite l'abandonner, ne voulant pas être différentes des femmes de leur région d'accueil.
Par contre dans le Poitou, vers Civray, c'est la guerre de 1914 qui mettra fin aux coiffes. Sur une photo de mariage de 1906, on voit que toutes les femmes portent la coiffe ainsi que la mariée. Dans cette région, les femmes ont gardé leur coiffe toute leur vie à la différence des femmes de Saintonge qui l'ont abandonnée plus tôt.
Après leur disparition, l'intérêt pour les coiffes et pour les costumes va apparaître assez rapidement, juste après la première guerre mondiale où l'on va commencer à organiser des noces villageoises, " comme au bon vieux temps ", mais il ne s'agira que de folklore ou de nostalgie.