Les tisseurs de coton
Si la toile de coton s'impose au XIXe siècle, ce n'est pas sans difficulté. Il faut d'abord s'approvisionner en matières premières car les essais d'acclimatation de la plante dans le Midi de la France sous l'Empire n'ont pas été probants. Au début du siècle, en raison du blocus, le coton parvient difficilement d'Amérique et du Moyen-Orient et la Guerre de Sécession entre 1861 et 1865 provoquera l'arrêt de toute importation de coton américain, entraînant la fermeture de nombreuses filatures.
La seconde difficulté réside dans la technique de la filature qui est loin d'égaler celle d'Angleterre, et c'est seulement en 1802 que Bauwens réalise une machine à filer pouvant rivaliser avec les machines anglaises. À cela s'ajoute un autre problème, c'est la lutte entre les filateurs et les fabricants de toile concernant les barrières douanières. Les tisseurs doutent de la capacité des filateurs à fabriquer un fil aussi fin que les Anglais. Les fils alors se tiennent en général au-dessous du N°60. (Le numéro exprime le nombre de mètres au grammes, ce que l'on appelle le titrage. Ainsi le N°60 indique qu'un gramme correspond à 60 mètres de fil. À titre indicatif, le titrage des fils des tissus actuels se situe entre 80 et 100). En conséquence, en 1806 est publié un décret prohibant l'importation des toiles de coton et imposant un droit de 7 francs par kilogramme pour les fils grossiers. Ainsi les fabricants de toile fine peuvent-ils s'approvisionner à l'étranger en fils fins.
De plus, Napoléon voulant privilégier les produits locaux tels que la laine, le lin, le chanvre, taxe le coton brut d'un droit d'entrée de 60 francs par quintal. Malgré tout cela l'industrie cotonnière va se développer au cours du siècle grâce à l'engouement des Français pour les tissus de coton.
On travaille le coton à travers toute la France. Sous l'Empire, le tissage est dispersé partout. On trouve des fabriques aussi bien à Paris qu'en Normandie, dans la région de St-Quentin ou d'Amiens. Le tissage reste essentiellement une activité rurale, à l'exception peut-être du Nord. Cependant l'ouverture du marché français aux produits anglais à la chute de l'Empire va entraîner de nombreuses faillites.
Mais cette concurrence va pousser les fabricants à moderniser leur outil de travail. Si le tissage était manuel de 1785 à 1815, un nouveau système industriel va se généraliser avec des filatures hydrauliques et à vapeur et la mécanisation du tissage aux alentours de 1830. En 1823, le degré de finesse atteint le N°291 et en 1834, les percales et les jaconas produits en France, présentent autant de finesse et de régularité que les tissus anglais.
On produit une grande variété de mousselines, mousselines brochées, mousselines suisses, mousselines grand clair pour la broderie. On augmente aussi la production de tulle. L'art de la broderie à la main se développe et on dénombre 12 000 à 13 000 ouvrières dans la région de Nancy.
Dans la région Poitou-Charentes, on tisse surtout la laine, le lin et le chanvre dans des manufactures importantes comme celles de Niort, Parthenay, mais une filature de coton associée à une usine de bonnetterie fondée en 1828 à Biard près de Poitiers fonctionne très bien et exporte même ses produits, cela jusqu'à sa fermeture en 1862 suite aux difficultés d'approvisionnement. Dans les années 1870, une filature de coton à Saint-Maixent l'Ecole, l'établissement Blot, compte 12 métiers à filer.
Mais la concurrence des régions du nord de la France empêche le développement industriel de ces activités, et c'est dans les régions du Nord et de l'Est que marchands et colporteurs se procurent leurs toiles de coton.