L’exposition Ikats, tissus de vie, présentée en 2020 à Crest, a été interrompue par la crise sanitaire liée au Covid-19, après un début très prometteur. Aussi, le pôle Culture de la ville de Crest a souhaité qu’une expo sur les ikats soit reconduite. |
Cette expo, intitulée Ikats, cultures du monde et créations contemporaines présente quelques parentés avec celle de 2020, mais son propos est aussi bien différent, puisqu’elle met en dialogue des ikats traditionnels de différentes régions et cultures du monde, avec des ikats contemporains, créés par Monique et Rémy Prin. Cultures du monde Sont présentés dans le détail deux cultures premières, les ikats des Iban du Sarawak, au nord-ouest de Bornéo et ceux de l’île indonésienne de Sumba, où la culture imprégnée de rituel fait (ou faisait) primauté et où les ikats sont un élément clé de la vision du monde et des pratiques rituelles. |
Ikats, cultures du monde et créations contemporaines • L'exposition occupe tout le Centre d'Art, une bonne moitié est consacrée aux ikats des cultures du monde, le reste aux ikats contemporains. Des panneaux d’interprétation et des cartels développés situent les pièces. Trois séquences vidéo, sur la réalisation de l'ikat chaîne et de l'ikat trame, sont également diffusées en continu, pour appréhender la complexité des réalisations. • Le site web : http://www.centredartdecrest.fr/ • Exposition du 10 février au 28 avril 2024 • “ L’ikat, un voyage à travers les cultures ”, conférence avec visuels par Rémy Prin, Samedi 27 avril à 17h, à l’espace Soubeyran, salle Coloriage. Entrée libre, dans la limite des places disponibles. Réservation conseillée. |
Créations contemporaines En regard de ces témoignages pour la plupart désormais du passé, au fur et à mesure que les cultures se délitent et que les pratiques sont confrontées au diktat de l’économie globalisée, quel sens peut détenir, ou tout au moins quelles questions peut poser, une pratique de création contemporaine de l’ikat ? Nous avons créé des ikats de 1975 aux années 1990, puis dans une sorte de revival à partie de 2019. Ce fut d’abord une pratique intensive artisanale, dont la finalité était de créer des robes, des manteaux, des tuniques… Et ceci dans un bonheur de découverte et d’expérimentations multiples. Avoir pratiqué longtemps le processus complexe et lent de la réalisation d’ikats nous a appris l’humilité, le dialogue avec le réel qui déjoue parfois tous nos vouloirs, toutes nos rigueurs. D’autant que nous ne disposons plus d’un modèle culturel qui servirait de guide. Le créateur, pour peu qu’il ne gonfle pas son ego comme le veut souvent le monde de l’art aujourd’hui, se doit à cette humilité, forgée dans la solitude. L’ikat, qui fait le signe visuel, et le tissage qui l’incarne et fait la toile, sont comme deux langues qui se conjuguent, deux opérateurs de ce qui s’assemble. |
Quelques images | |||
Petit parcours sans prétention, qui fait un focus sur les ikats contemporains, créés par Monique et Rémy Prin, depuis 1979 :
Des panneaux d'interprétation accompagnaient les ikats contemporains. Voici le texte d'un de ces panneaux :
Tisser l'ikat
Dès le départ, l’ambiguïté du fil
en ce qu’il propose de concret, et l’itinéraire fuyant,
cette infinitude, ce lieu d’enchevêtrements
Nous parcourons l’originel, les termes emmêlés
Rien ne touche à la certitude
comme les fibres tenues ensemble
et rien qui n’appelle autant le doute
Vient la couleur
dans la surface illimitée des clivages de fils
le manque encore, étalé
Couleur, et peut-être est-ce là
plus fragile et plus lointaine conscience
comme un récit
parent de l’évanouissement,
parent du seuil perceptible des sens
Sur le fil
les assemblées balbutiantes des couleurs
au secret des filaments,
ce qui s’imbibe de l’écriture du jour
langage encore clairsemé,
aux écoutes des zones vierges en lui
Fragments encore, des teintes
et quelle règle du jeu pour elles
qui soit plus humble plus réelle
comme celle des croisures
Conjoindre ces deux rumeurs :
la couleur qui s’étend
la croisure qui prend espace
se multipliant
sans dirait-on de limites
Écrire le nomadisme du tissu dans l’âme
ce langage de l’immémorial
de la fluidité ouverte.