On traverse un paysage cultivé de collines, des petits bourgs, des hameaux, que les routes qui font des courbes relient.
Les parts de l'édifice
Le village aujourd'hui étagé à flanc d'une colline qui se prolonge ne garde rien de sa période médiévale, à part l'abbatiale et les vestiges de l'abbaye. Ces derniers, rénovés, abritent un centre d'interprétation de l'architecture romane dont l'approche pédagogique est à la fois simple, interactive, et bien éclairante.
C'est de l'ancien cloître justement qu'on approche au mieux la façade sud de l'église, dans son impressionnante élévation, et sa rigueur un peu austère. Au-dessus du clocher roman, la flèche est récente. L'imposant chevet, qui fournit un chœur de grande ampleur, est gothique.
Il faut donc séparer le regard pour apprécier les parts romanes de l'édifice. La première phase du chantier fut le chevet et le transept, qui garde dans son côté nord un ancien portail et tout un décor sculpté, qui date d'avant 1125, quand on célèbre une première dédicace de l'église partiellement construite.
Le transept nord
Ses images sont directement inspirées de la façade de la cathédrale Saint-Pierre d'Angoulême, elles en possèdent la verve et la virtuosité. L'ancien portail est flanqué de deux arcades latérales. Sur le faux tympan, un groupe de trois apôtres : malgré l'érosion de la pierre, on distingue les " grandes figures " innovantes de l'époque qui montrent toute l'humanité dans la dynamique des corps. Autour, voussures et frises déclinent des rinceaux et figures du bestiaire, en une danse virevoltante dont le rythme capte l'œil. À noter l'extrême fluidité des ces dialogues entre motifs et corps animaux, les uns prolongeant les autres en une sorte de monde visuellement continu.
Au registre supérieur de ce transept nord, les figures se sont encore agrandies, approchant la statuaire, représentant notamment un prélat dans ses plus beaux atours d'homme d'Église. Quel est-il, cet homme sans visage, dont le nimbe dit la sainteté ? Période où la grande réforme de l'Église la mène à s'imposer devant les seigneurs. Ici s'affirme le pouvoir de ses hommes.
La façade et l'intérieur
Changement complet d'approche pour la partie occidentale, qui est terminée en 1170 : le décor est rigoureux, simplement géométrique, il souligne les formes du portail et des baies de la façade. Malgré ses restaurations, il dit encore l'ordre et sa sobriété, une sorte de signe ordinaire, en fort contraste avec les images précédentes du transept.
Dedans, c'est l'ampleur de la nef d'abord, trente mètres de longueur. Et puis l'hétéroclite de la sculpture des chapiteaux. Sans compter l'étrangeté que donne à voir le chœur gothique. Manque de moyens sans doute : une grande toile peinte cache la baie centrale de l'abside, en attente d'un vitrail depuis des décennies. On marche dans cet espace, en tentant de relier ses parts comme étrangères. Comment se nourrir d'un chant qui tente l'envol et se brise aussi vite ? Comment dépasser l'éparpillement ?
On va vers la lumière, celle qui vient du sud, au transept. On a déposé là des fresques retrouvées dans la crypte, sous le chevet. Elles datent du XIVe siècle. Clarté du trait, des courbes, des visages. Le visage de saint Joseph est presque rieur. On rêve à la symphonie originale de ses couleurs. Et plus encore, à cette cohérence un peu perdue, de ce qui fut un lieu puissant, rayonnant.
Une citation
L'abbatiale de Saint-Amant de Boixe et les vestiges des bâtiments monastiques qui l'accompagnent figurent parmi les plus prestigieux de l'Angoumois roman, bien qu'ils aient connu des transformations importantes à l'époque gothique.
Christian Gensbeitel, Promenades romanes en Charente, Geste éditions (2010)