Au milieu de la place, bien dégagée, l'église Saint-Martin semble posée là, comme indépendante du village.
Avant d'être rattachée à Saint-Léger de Cognac, l'église dépendait du diocèse de Saintes, mais elle a bien des parentés avec la cathédrale d'Angoulême, toutes proportions d'édifice gardées. Ainsi, la nef unique, bien que plus étroite, est constituée comme à Angoulême, d'une file de coupoles sur pendentifs, qui offre une perspective prégnante, accentuée peut-être par l'absence de décor sculpté.
Les images et l'ornement peuplent par contre la façade, à la fois sur les chapiteaux et les arcs des arcatures des deux registres supérieurs. De même, en bas, le portail et les deux baies aveugles sont ornées de pointes de diamant, de motifs à rinceaux, et aussi de figures du bestiaire et de divers personnages.
Deux figures
Mais deux grandes figures frappent d'emblée quand on est devant cette façade, elles aussi en écho à Angoulême. Au-dessus de chaque baie aveugle du registre inférieur, en plein mur et donc délivrées de toute contrainte architecturale, elles sont de même structure l'une et l'autre, un personnage au sein d'une mandorle – une gloire en forme d'amande – mis en valeur par des anges qui l'entourent.
À gauche, c'est la Vierge en Assomption, qui nous fait face. Une silhouette effilée comme la mandorle qui l'entoure, un corps présent, charpenté en lignes verticales et horizontales, mais dont les plis des vêtements, très détaillés et recherchés, atténuent l'impression de rigueur. La mandorle elle-même est ouvragée, et elle n'emprisonne pas la femme figurée là, dont les bras franchissent sa limite. Quatre anges entourent la Vierge, eux aussi par leurs encensoirs notamment ou leurs ailes passant outre la forme d'amande. Et ces anges semblent voltiger tout autour, dans une position acrobatique.
L'image, dès lors, est aussi ce contraste entre l'attitude hiératique de la Vierge, une sorte de présence absolue, et le tourbillon des anges, l'élevant lentement dans sa gloire vers les cieux. Dynamisme de l'instant de l'Assomption et vision d'éternité immuable, l'image est en suspens sur le mur, elle ne s'arrête pas.
À droite, c'est saint Martin, le patron de l'église, qui comme la Vierge nous fait face. Il est dans un riche habit très décoré, il tient la crosse. Là aussi, sa silhouette est affirmée dans sa verticalité, longiligne, sans formes marquées du corps. Seules, la tête légèrement penchée, et la main droite bénissant créent quelque douceur humaine. Comme pour la Vierge, les anges tiennent la mandorle, se courbant vers elle et vers la tête du saint. Comme pour la Vierge, ils bruissent autour de lui, apportant à l'image une sorte de vie effrénée, devant le tangible absolu du corps.
Une citation
L'attrait exercé par la remarquable façade de Gensac la Pallue est encore accru par la présence au-dessus des arcades latérales de la partie basse de deux grands reliefs qui sont parmi les plus beaux de toute la Saintonge, et dont l'intérêt pour l'histoire de la sculpture du pays est considérable.
Jacques Lacoste, La sculpture romane en Saintonge, Christian Pirot éditeur (1998)