On accède maintenant à Saint-Savinien par une route à flanc qui serpente, le flanc des fortifications médiévales.
Les pierres et les hommes
De la petite place voisine, l'œil attentif repère vite que cet édifice a subi maintes destructions et restaurations. Et plus on va dans le parcours, plus c'est un sentiment désolé en soi, de fragments, d'éléments qu'on a rendus lisibles, de traces qu'on a effacées, de restes admirables.
Cette église fait suite, dans la seconde moitié du XIe siècle à une chapelle castrale. Elle devient plus tard dépendance de Saint-Hilaire, l'abbatiale voisine, avant d'être au XIXe siècle transformée en prison. À l'intérieur, la nef, nue, prend le cœur. Rien pourtant qui impressionne, à part ce dénuement forcé, dont on sait bien qu'il tient à ce qu'en ont fait les hommes.
Dehors, le portail sud au soleil fait comme un emblème de ce lieu : des claveaux remaniés, décalés, des reliefs presque effacés, et à la voussure externe, comme une fulgurance, ces motifs végétaux d'un raffinement hors du commun qui restent pour certains à l'abri de l'érosion.
Chapiteaux
Les chapiteaux sculptés à l'intérieur, quand ils sont d'origine, offrent la même vision d'émergence et de regret. Émergence des images quand l'imagier cherche à tâtons parfois telle figure du bestiaire ou telle silhouette d'homme, ou bien encore comment façonner les volumes des entrelacs végétaux. Regret, dans notre parcours d'aujourd'hui, de ce peu qui reste, de ces effacements. Parcourir l'art roman, c'est aussi accepter ce manque sous les yeux qui défait l'œuvre, n'en laisse que des lueurs qui, selon les moments, attise le désir ou couvre l'espace d'un deuil insistant.
Une citation
On possède à son sujet un document important : vers 1040 dans une charte de donation à l'abbaye bénédictine de Saint-Jean d'Angély, elle est citée comme "l'église construite dans les murs du castrum de Melle, où repose le corps du très saint Savinien".
Jacques Lefebvre, Les églises du Mellois, Association Gilbert de la Porrée (2008)