Quand on arrive des hauteurs, le paysage enchante, de l'élégance de la boucle du Lot au pont Valentré et à cette niche urbaine au bord des falaises de roches et d'arbres.
Déroutant
La cathédrale elle-même dresse un volume imposant mais hétéroclite. Un édifice est attesté ici dès le VIIe siècle. Au tournant des XIe et XIIe siècles, c'est l'apogée, le grand portail roman est bâti à la façade ouest. Il sera transféré côté nord, peut-être au XIIIe siècle. Remaniements, modifications, manque de subsides, la cohérence se perd peu à peu, le sens se fragmente... jusqu'à ce que les troupes d'Henri de Navarre pillent l'église entièrement. Nous sommes en 1580. Il reste, aujourd'hui, un aspect déroutant à cette cathédrale.
Le portail roman
Il faut aller chercher le portail roman, dans la ruelle d'ombre qui longe la façade nord, et forcer son regard vers lui, qui, comme à Moissac, forme un porche profond. Une fois le regard enclos dans cet abri, une fois le corps à l'écart, les images déroulent comme toujours leur tapis de promesses scintillantes.
C'est l'ample tympan qui donne à voir la scène majeure : l'Ascension. Le Christ est dans une mandorle au centre, escorté par deux anges. Au-dessus de lui, dans la nuée des cieux, d'autres anges qui se penchent vers lui et s'apprêtent à le recevoir. En bas, ceux qui restent sur la terre, les apôtres et la Vierge juste au-dessous de son fils. Et puis, dans les espaces laissés libres pourrait-on dire, des scènes liées à saint Étienne le patron de la cathédrale, dont sa lapidation.
Ce qui rend étrange ce tympan, c'est la modestie du Dieu glorieux, à peine plus grand que ses apôtres. Et plus encore, quand l'œil détaille avec patience toutes les figures, c'est la facture de cette sculpture, elle aussi faussement modeste : l'imagier a cherché, semble-t-il, cette simplicité dans l'organisation des scènes, dans les silhouettes aussi. Ne pas dramatiser l'image, rester en deçà. Se satisfaire d'un savoir-faire exigeant, rigoureux, mais sans outrance.
À la périphérie
Et cet univers du message religieux contraste fortement avec ce que d'aucuns appelleraient les marges. À l'archivolte extérieure, d'un tout autre style, d'un tout autre monde, ces personnages qui s'égorgent entre eux, ou bien cette scène d'un cheval que deux hommes sont en train de ferrer. Plus haut encore, et tout autant expressifs dans leur apparence rustique, ces deux hommes à la lance sur une corniche, dont l'un sonne l'olifant. Enfin, tout près du toit, entre les modillons et parmi les motifs à billettes, on regarde avec amusement ce clin d'œil de l'imagier : de petits personnages passent derrière la pierre comme derrière un rideau, on voit le bas de leur corps au sein d'un cercle, tandis que le haut de la silhouette émerge au sein des billettes.
Y avait-il deux sculpteurs ? Sans doute, tant l'approche visuelle est différente. Deux discours, l'un religieux, encadré, l'enseignement donnant à voir l'Ascension, et l'autre plus laïque, débridé ? Comment, alors, ces gens qui créaient ces images dialoguaient-ils ? Et qui décidait de quoi ? Nous avons encore à nous contenter des questions.
Une citation
Les proportions excellentes, l'équilibre du corps, le très léger fléchissement du genou accompagnant la flexion du visage au regard attaché vers la droite ; et cette symétrie des bras levés rompue avec une science extrême de l'effet (main et livre dressés de part et d'autre suivant la même obliquité) ; les plissés accordés à la souplesse et à l'ondulation de cet Être spiritualisé, ravi dans une force ascensionnelle, irrésistible autant que mesurée... toutes ces qualités dénotent une œuvre savante, fruit d'une maîtrise authentique.
Marguerite Vidal, in Le Quercy roman, Zodiaque (1979)