C'est une clairière dans les bois, entre Saint-Jean d'Angély et Saintes. Au détour du chemin des pèlerins, quelques toits qui émergent des vignes sur les hauteurs.
Une porte romane
Comme bien d'autres, cette église a vécu l'aventure des pierres détruites et reconstruites. On peut y lire le temps, des fragments de murs qui datent peut-être du Xe siècle, jusqu'à un clocher durement restauré au XIXe. Mais ce sont les images du XIIe siècle qui retiennent l'attention, et notamment celles de la façade où l'immense portail prend le regard.
La porte romane est comme un guide pour le corps. Celui qui vient est au-dehors, il prend bonheur aux images sculptées là, sous le soleil, il s'en imprègne. Le message qu'elles délivrent au chrétien du Moyen Âge est là pour l'inciter à franchir le seuil, à passer de la vie terrestre au monde divin. Mais, tout autant que les images, l'architecture favorise le passage : très large à l'extérieur, il se resserre, les puissantes colonnes et les voussures décalées mènent le corps vers l'entrée du sanctuaire. Mais c'est aussi un libre choix : il faut faire l'effort de monter des marches pour entrer, élever son corps pour élever son âme.
À Fenioux, l'église est construite au bord de la colline, on y a ajouté d'autres colonnes pour faire contrefort, et quand on se met face au portail, on est pris par cette attirance obscure de l'intérieur.
La parenté des pierres
Et c'est là, à cet instant peut-être, qu'on regarde les images aux chapiteaux et aux voussures, avant les autres. Telle est la puissance du seuil. Et comme en d'autres lieux romans de Saintonge, c'est l'alliance des motifs et des histoires. Le décor si finement ouvragé ponctue l'ensemble, lui fait fondement, met en valeur ce qu'on raconte aux voussures.
Et ces histoires ont un air de famille avec celles d'Aulnay, ou bien de Chadenac ou de Corme-Royal ou d'autres encore en Saintonge : le combat des femmes-vertus contre les vices monstrueux, les vierges sages et folles, les anges qui adorent l'Agneau, les signes du Zodiaque et les travaux des champs. Air de famille, mais pas copie. Les mêmes thèmes, à chaque fois, trouvent une déclinaison particulière. Il y a ici, à Fenioux, une rondeur, une vigueur, une liberté des gestes très étonnantes.
Et pour peu qu'on aille vers l'ombre, vers le côté nord, on verra ces motifs qui accompagnaient les images prendre leur envol pour eux-mêmes. Le petit portail, qui menait autrefois à une tribune, trace dans l'espace une élégance rare et simple, où le végétal se répète, raffiné, tout en courbes et en symétries.
Une citation
Le grand intérêt de Fenioux c'est sa façade, qui obéit aux principes de la structure saintongeaise à sa dernière période, selon lesquels un seul et vaste portail absorbe toute la façade et rompt avec le souvenir des types aquitains, mais s'inspire de la richesse ornementale d'Aunay et de ses thèmes iconographiques.
François Eygun, Saintonge romane, Zodiaque (1979)