D'une femme en noir qui nous accueille à Sanahin, à bien d'autres dans les villages, et celles sur les photos d'avant 1915...
La dignité du corps,
la femme vient à Sanahin
sombre dans son âge
elle porte l'éternité des douleurs,
la silhouette, c'est le temps
qu'on a passé à ne rien résoudre des silences.
Toutes les femmes ont leur corps dans l'air
qui s'offre à tous les périples du monde,
elle dit à Sanahin l'histoire
et sa rumeur, ce qui fait trace de soi
lointainement,
sur la pierre.
Elle parle
et l'orbe de la parole
se propage, étoffes noires
qui captent les années,
qui les réduisent.
La dignité des femmes d'Arménie
disséminée comme la terre,
elles qui mêlent à grands bras
la mémoire et l'enfance
elles viennent
à chaque village, elles tracent
leur corps dans l'air
et c'est pour taire
les déchirures.
On les voit là, dans les montagnes de pierre,
qui viennent aux églises ouvrir l'éternité
sur les photos vieillies, elles vous regardent
dans le silence d'avant les désastres,
des enfants près d'elles
qui ne mesurent pas l'attendu de la mort.
On marche dans les pierres
à Sanahin, la femme dignement
tresse tous les dialogues
de tous les peuples de la terre
seul son visage n'est pas noir
et ses gestes,
qui cherchent au-delà du deuil
l'exactitude d'un amour.