1er récit des images
"Grégoire de Tatev entouré par ses élèves", fin XIVe ou début XVe siècle, Matenadaran (Ms 1203) • 2 détails |
C'est au Matenadaran, dans cette salle à l'étage il y a des vitrines où l'on s'appuie de longues minutes et l'oeil scrute les pages des vieux livres, le corps cherche un à un les fils de l'image, comme on le ferait du temps, le corps cherche à rassembler, à suivre trait à trait ce qui peut advenir au-delà des figures dans l'image, ce qui réellement fait signe derrière les couleurs.
Grégoire de Tatev est un artiste, un philosophe, un intellectuel reconnu dirait-on aujourd'hui. Il est au centre de l'image, grande silhouette qui nous regarde frontalement, qui découpe l'espace en deux. Il est en avant dans l'espace, mais son ample manteau de grand personnage, tout comme son visage, est fait de douceurs courbées.
Tout autour de lui, et comme protégés par cette ampleur, ses élèves, assis, serrés les uns contre les autres et dont on ne voit bientôt que les visages. Certains regardent le maître, d'autres un livre, d'autres ont l'air de converser entre eux. Dans le détail, tout ce groupe bruit de frémissements, d'expressions, de rumeurs. Dans l'espace global de l'image au contraire, tout est douceur et paix, l'immense et sereine silhouette de Grégoire et son visage tout au centre impose le silence et comme une sagesse au-delà du monde. Plus loin en arrière, et de chaque côté de son visage, les bâtiments du monastère peut-être, symétriques eux aussi, une tour bleutée au toit rouge. Et au-dessus de l'image, trois médaillons dont la Vierge à l'enfant au centre, qui protège Grégoire et lui infuse sa connaissance à son tour.
Le monde, ainsi, est ordonné, comme l'image. Des hauteurs célestes passe la parole vers le saint homme qui polarise le regard et qui apaise autour de lui les angoisses et les interrogations de ceux qui naissent au savoir.