Nous nous approchons d'Achot et de Sona, en longue conversation avec le gardien des lieux. "Ce n'est pas possible d'aller à Khoranachat demain, car la zone est fermée à cause des Azéris. C'est tout près de la frontière. Et le monsieur dit que la route vers Norvaragavank est très mauvaise. On ne peut aller avec le bus." Nous regardons la carte. Laisser ces deux sites, c'est perdre - ou gagner c'est selon - quatre-vingts kilomètres au moins dans la partie nord-est de cette province de Tavoush où nous sommes.
Ces annulations à répétition nous inquiètent : on avait validé tout l'itinéraire depuis plusieurs mois avec l'agence H.S. Pourquoi découvre-t-on seulement maintenant ce qui est impossible? "C'est que de Erevan on ne peut pas savoir, parce que les conditions changent..." Mais le comportement d'Achot et ses longs échanges avec Sona ne nous semblent pas toujours clairs. Ce soir, on décidera.
On repart pique-niquer un peu plus bas, il y avait de jolies clairières en montant. L'altitude rend l'air agréable, on voit des ruches dans les éclaircies d'arbres, la route serpente. On passe un, puis deux coins propices au repas. Au troisième, Sylvie s'écrie "Là, ce serait bien !", mais Achot continue la descente... pour nous arrêter un peu plus tard sur une aire au sol boueux, avec une table en tôle certes, mais la masse des sacs plastiques et des déchets, leur puanteur, nous font fuir de l'autre côté de la route, où nous grimpons à flanc de coteau, entre soleil et ombre. Assis parmi les fleurs tout autour, nous regardons Achot et Sona qui n'ont pas voulu nous suivre et sont restés debout, rivés à cette table en tôle sans que nous comprenions bien pourquoi.