Nous sommes arrivés à l'heure du déjeuner, rues en pente, bitume, maisons plus amples.
C'est ici Tsaghkadzor, la " vallée des fleurs ", une station qu'on dit touristique où les gens d'Erevan viennent se détendre. Pour l'heure peu de monde, pas de marché, mais un magasin minuscule où l'on achète des abricots, des biscuits, du lavash7 plié... " C'est notre pain ", dit Sona.
Le minibus encore, un moment de route, on voudrait de l'ombre accueillante pour le pique-nique. Achot dit que c'est plus loin, hésitations, de la route encore, et l'on s'arrête sur un parking de rocailles. De l'autre côté du ruisseau, quelques tables. S'en vient un homme, " il faut payer mille drams8 pour s'asseoir. " Il est tard, on paye. Guide, chauffeur et nous quatre passons le pont de béton éventré où s'accumulent sacs en plastique, bouteilles, déchets divers. À grand-peine on rassemble des chaises rouillées, bringuebalantes, près d'une table pas trop repoussante. Sensation soudain de pauvreté sale, qui tient la gorge jusqu'à la nausée. Plus bas, quelques Arméniens mangent, et beaucoup de tables vides. Achot et Sona restent debout, à l'écart. On serre les fesses sur les chaises, les abricots sont délicieux.
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7 Le lavash est le pain arménien, cuit en de grandes galettes ovales et fines, qui peut se conserver plusieurs mois.
8 Le dram est la devise arménienne. Il faut 650 drams environ pour un euro. On décide de convertir dans notre tête en centimes de francs, c'est plus simple, 1 dram 1 centime.