Noradouz
Le troupeau qui rentre au village
Ererouk
Restes de la façade
Areni
Pierre tombale près de l'église
Aghitou
Une pierre tombale
Kobayr
Visage du Christ de l'abside
Sevan
L'église des Saints Apôtres et le lac
Haghbat
Église St-Signe • Les donateurs, Sembat le roi et son frère Gourguen
Tegher
Croix sur les pierres de la façade
Noradouz
Détail d'un khatchkar
Geghard
Des femmes vendant leurs gâteaux
Erevan
Manuscrit au Matenadaran
Bjni
L'église Saint-Serge
Edjmiadzin
Église Shoghakat • Détail de la façade ouest
Makaravank
Église principale • Motif polylobé
Gochavank
Le monastère vu du bas de la colline
Yovhannavank
Église St-Jean-Baptiste • Le tympan, parabole des vierges
Gochavank
Tympan • Chapelle de l'Illuminateur
Moro dzor
Chemin dans le village
Tatev
Motif sur le tambour de la coupole
Ketcharis
Le bac à bougies

Terre perdue
dans l'entre monde
peuple dispersé
comme jamais témoin
de notre devenir.


Terre précaire
depuis toujours
entre la résistance
et l'universel.

"Ce n'est pas pratique pour le petit déjeuner ici, dit Sona

- Nous pouvons aller dans un café dehors, avant de partir ?

 - Oui, ou si vous voulez sur la route un peu plus loin, Achot dit que c'est possible."

L'air est aigu ce matin après l'orage de la nuit, nous allons vers le lac Sevan, immense étendue d'eau perchée à mille neuf cents mètres d'altitude, quatre-vingts kilomètres de longueur, quelques dizaines en largeur. Du Ier au IVe siècle, trois grands lacs balisaient le territoire de l'Arménie d'alors, le Sevan, le lac d'Ourmia au sud-ouest de Tabriz maintenant en Iran, et le lac de Van plus à l'ouest dans la Turquie actuelle. Et si l'on remonte encore le temps, vers 70 avant Jésus-Christ, Tigrane le Grand acheva l'unité des Arméniens et au-delà: son empire, la Grande Arménie, s'étendait alors de la Méditerranée jusqu'à la Caspienne, de la Palestine au Caucase. Parcourir l'histoire, c'est douloureusement suivre le reflux jusqu'à l'inexistence, repérer les renaissances aussi, comme ce royaume de Cilicie des bords de Méditerranée, né de l'émigration déjà et qui du XIIe au XIVe siècle maintint l'identité et la culture.

 

On traverse des friches industrielles des années soviétiques, à l'abandon maintenant et qui rouillent sur ce haut plateau désolé. Je me demande ce qui a fait tenir un peuple ainsi, qu'on a morcelé, dispersé, laminé parfois, sur cette durée longue. Dans ces ressacs incessants de l'Orient et l'Occident l'un sur l'autre, la violence de l'histoire qu'on lit dans les livres laissait-elle du répit aux hommes et à leurs rêves?


Nous avons prévu de faire le tour du lac Sevan, la rive sud aujourd'hui, plus habitée, tellement peuplée d'églises qu'il a fallu choisir, et demain le Nord, à l'abrupt des montagnes de trois mille mètres et plus, qui font limite avec le Haut-Karabagh.

Nous roulons depuis un temps déjà, quand Sona nous dit que "ce n'est pas sûr de faire le tour du lac, Achot pense que la route du Nord est mauvaise." Les guides de voyage français, anglais, mentionnent pourtant l'itinéraire. "On va se renseigner." Plus loin, Achot s'arrête près d'un groupe de policiers, leur parle, il revient:

"On ne peut pas passer, c'est comme si la route datait d'un siècle." Bon, nous reviendrons demain par la rive sud.

Peu à peu l'horizon s'est ouvert et dans le contre-jour du matin l'eau du Sevan qu'on aperçoit par intermittence d'abord semble grise. Les montagnes qui l'entourent sont immenses, mais l'espace est si vaste qu'elles semblent familières, comme si l'ampleur du paysage tissait sa connivence. Au loin vers le Sud, les monts Vardénis, encore enneigés, barrent l'horizon.