Bjni
L'église Saint-Serge
Gochavank
Le monastère vu du bas de la colline
Yovhannavank
Église St-Jean-Baptiste • Le tympan, parabole des vierges
Erevan
Manuscrit au Matenadaran
Ererouk
Restes de la façade
Edjmiadzin
Église Shoghakat • Détail de la façade ouest
Gochavank
Tympan • Chapelle de l'Illuminateur
Moro dzor
Chemin dans le village
Makaravank
Église principale • Motif polylobé
Kobayr
Visage du Christ de l'abside
Aghitou
Une pierre tombale
Tatev
Motif sur le tambour de la coupole
Geghard
Des femmes vendant leurs gâteaux
Haghbat
Église St-Signe • Les donateurs, Sembat le roi et son frère Gourguen
Noradouz
Le troupeau qui rentre au village
Noradouz
Détail d'un khatchkar
Sevan
L'église des Saints Apôtres et le lac
Ketcharis
Le bac à bougies
Tegher
Croix sur les pierres de la façade
Areni
Pierre tombale près de l'église

Terre perdue
dans l'entre monde
peuple dispersé
comme jamais témoin
de notre devenir.


Terre précaire
depuis toujours
entre la résistance
et l'universel.

Nous montons lentement à flanc de petites montagnes qui ouvrent le paysage. Bientôt des ravines à gauche de la route, et la chaussée quasi impraticable. "Il y a des glissements de terrain, ici, souvent. La terre bouge toujours." Sona nous arrête avant le village de Voghdjaberd, nous fait signe de la suivre à pied. On monte quelques dizaines de mètres d'une colline. "C'est l'arc de Tcharents" dit-elle. Nous sommes sur une hauteur qui domine largement la plaine de l'Ararat. On voit à peine le Mont Massis très au loin, dont la calotte émerge un peu dans la lumière, mais le regard, où qu'on le porte, est immensément libre jusqu'à ces brumes lointaines du matin. On a construit là une arche de pierre où l'on passe, avant de s'abreuver de l'air et de ce pays qui s'étend jusqu'à cette haute montagne.

"Durant sa vie, Tcharents aimait venir là pour écrire, il s'asseyait, il aimait cet endroit." Et soudain elle nous parle en arménien, elle dit les mots du poète, sa voix se fait plus intense en elle, et c'est une incroyable musique qui se lève sur ces hautes terres, je la regarde, portée par le bonheur du chant. Elle s'arrête, le visage troublé. Je voudrais lui dire "encore..." tant la puissance de la langue qui s'offre me comble. Je n'ose pas. Elle sourit. Elle dit, s'excusant presque:

"La poésie est intraduisible.

- Oui, je sais cela un peu."

Je la questionne. Elle raconte l'histoire de Yeghiché Tcharents, qui écrivait la liberté, qu'on a fait taire, tué par le pouvoir soviétique à quarante ans, et dont les enfants apprennent les vers aujourd'hui dans les écoles. Elle raconte, nous nous éloignons de cette arche où les mots sont inscrits dans la pierre, de celui qui fut si touché par ces étendues au devant de nous.

"Et je m'enracine
Sur les hauteurs de mon pays en ruine...
Et stable, enraciné, je dis un chant,
Le cœur fou, viril,
Le dédiant cette voix de vent
Aux peuples épars où qu'ils se situent,
Où qu'il se situe à l'homme souffrant.
Et je vous dis moi:
- Là, je suis venu...
33"

 

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33 Yeghiché Tcharents, Pays-Naïri, traduction Gérard Hékimian, in Poésie Arménienne Anthologie, Les Editeurs Français Réunis (1973)