Il y aura encore dans cet enclos le tympan modeste de l'église Saint-Grégoire - on y voit des lettres gravées dans la pierre, et leur élégance subtile ouvre comme des transparences à la langue.
Il y aura à l'intérieur cette pierre tombale d'Elikum Orbelian, dans la lumière blanche: y figure un lion si proche d'un corps d'homme qu'on se sent malgré soi mal à l'aise. Et des sculptures encore, à peine entrevues dans la suie des bougies. Et ces tombes disséminées, celle d'Etienne Orbelian l'historien, celle de Momik le sculpteur, qui ont œuvré ici.
Éprouver le lieu, c'est ainsi le marquer de ses pas, laisser dans le regard venir tous les dialogues, terre et pierre, figures et traits, symboles, lumières, vides, espaces... Puis au-delà, savoir les fragments qui remontent du temps, ce qui tisse des cohérences, le chant ou la douleur des hommes par bribes. Chaque lieu est un métissage que la mémoire comme le regard façonnent vers l'improbable identité. On voudrait tant, en marchant encore dans cet enclos, que la quête soudain s'arrête, que cela soit, présence emplie, saturée de sens. Mais chacun qui passe ici sans doute amplifie l'héritage, le met en devenir. D'autres visiteurs arrivent pendant qu'on s'éloigne, pendant qu'on cherche encore de quoi naît vraiment ce bonheur de soi tout entier, regard et corps, dans ce parcours.
Est-ce parce qu'on sait le terme du voyage? Chaque départ maintenant me semble déchirant. Il faut s'arracher à cette transfiguration de l'espace qu'on partage, se donner le désir d'ailleurs, d'une autre couleur métisse.