Les rues de Dilidjan autrefois étaient bordées de maisons de bois. À l'étage, des balcons ouvragés à colonnades protégeaient de la pluie plus fréquente ici, dans ces régions du Nord. Les anciennes photos montrent cette architecture élégante, paisible.
Nous marchons. En haut de la grande rue, une quincaillerie où se côtoient les fours à micro-ondes, les lames de faux, la chaux en poudre, les clous en fer forgé... En face, un alignement de blocs d'immeubles, modernes et décrépis, une bibliothèque aux vitres brisées, plus bas, une administration, la police, puis ce qui était un cinéma ("On y projette encore des dessins animés pour les enfants, de temps en temps"). On a élargi la rue, fait de grands trottoirs, tracé l'avenir dans une architecture de béton. Et l'avenir aujourd'hui semble vieux, même là où les façades sont rénovées. Plus bas, un ancien grand magasin en partie vide. Au sous-sol, le super-marché - vins, alcools, légumes, électroménager, Hi-Fi, vidéo...
En remontant vers le musée, quelques maisons témoignent de l'architecture d'autrefois - dentelle des balustrades, vieilles échoppes minuscules au bas des maisons longues, balcons qui courent sur tout l'étage. Tout est de guingois désormais, les bois pourrissent peu à peu, les lignes des toits s'affaissent. Il reste en Arménie peu d'endroits où la tradition du bâti quotidien paraît encore, comme ici. Au creux d'un virage, sur le mur d'une maison dont l'âme s'exhale encore, cette inscription taggée, dérisoire, "Sale, Sale 10 K€", suivie d'un téléphone européen.