En repartant vers le centre d'Erevan, je m'aperçois que déjà la ville nous devient familière. Quelques repères dans l'espace, quelques jours, et ce n'est déjà plus l'autre monde tout à fait. Rue Tigran Mets soudain, concert de klaxons: des mariés dans une voiture décapotable, suivis d'une ribambelle d'autos luxueuses.
"Il faut de l'argent pour une noce pareille !
- Mais il y a des Arméniens très riches" dit Sona en souriant.
Retour à l'hôtel. Sona, gênée, nous apprend qu'Achot ne nous transporte plus les jours suivants à Erevan, contrairement à ce que nous avions demandé à l'agence H.S. On se salue, on se quitte sans regret, Achot est resté tous ces jours à l'écart, conduisant parfaitement, juste ce qu'il faut, le moins possible. Comme si les quarante ans de régime soviétique qu'il avait vécus, avaient tout balayé en lui, comme si entre lui et nous tout était muré depuis le début. On questionne Sona. Oui, elle, elle compte venir avec nous encore pour quelques visites.
Fin d'après-midi au Vernissage, sous les arbres et les toiles de plastique, parmi la foule du dimanche et la profusion des objets. Couples qui vont en se tenant la main, discussions animées entre marchands, d'homme à homme, ici devant des bijoux, là devant d'anciens appareils photos, visage apaisé de celui qui expose ses tableaux, jeune femme seule au corsage échancré qui semble perdue, effervescence des stands... le Vernissage offre ses instants d'Arménie familière. Incroyable fourre-tout, qui tient de la place publique, du marché aux puces, de la quincaillerie dernier cri, de la boutique à touristes aussi - on ne trouvera nulle part ailleurs ces maquettes en bois du temple de Garni. Ambiance douce, objets sans caractère bien souvent: l'hétéroclite après la cohérence des mémoires et des lieux qu'on vient de parcourir à travers le pays.