Retour à Erevan. À l'hôtel, nous préparons les bagages pour le départ vers le Sud, quand A. nous appelle. Achot et Sona sont passés à l'agence et elle souhaite venir nous parler avec G. le directeur. Nous voici bientôt à six dans la chambre, serrés entre sacs, meubles et ventilateur.
"Je voudrais vous demander de ne pas faire faire des kilomètres supplémentaires au chauffeur, dit A. Et puis pour la nuit, il n'est pas prévu que vous alliez systématiquement dans les hôtels, ni le midi au restaurant. Il faut laisser aussi le temps pour le déjeuner, le chauffeur doit se reposer. Et lui, il connaît bien l'état des routes, et quand la route est mauvaise et que vous ne pouvez pas aller sur un site, il ne faut pas chercher à le remplacer par un autre."
- "Oui, cet après-midi, on a dû faire deux trois kilomètres de plus pour aller au café. Mais nous ne sommes pas allés à Khoranachat, ni à Norvaragavank. Donc globalement, on a économisé plusieurs dizaines de kilomètres. Pour la nuit, l'hôtel, c'était une seule fois à Idjevan. Et le restaurant le midi, juste une fois et ce devait être le petit déjeuner... Quant à ne pas remplacer un site inaccessible par un autre, il n'en est pas question. Quand vous allez au restaurant et qu'il n'y a pas de bœuf au menu, vous prenez de l'agneau... Nous avons passé un contrat avec vous, et nous avons à le respecter ensemble."
L'atmosphère est tendue. A. traduit à G. Je comprends peu à peu que l'agence a répondu à notre demande sans se rendre compte des implications d'un tel périple, eux qui sont habitués aux excursions d'une journée depuis Erevan. Nous disons qu'Achot pose problème, qu'il n'en fait qu'à sa tête et sans le moindre partage, que les pique-niques dans des lieux exécrables ça suffit. Et les itinéraires supprimés, étaient-ils si mauvais que cela? Que ce n'est pas à nous de connaître l'état des routes en Arménie, que ce programme est prévu depuis six mois... Je raconte l'épisode de "Madame Achot", l'impossibilité de camper, le bonheur aussi d'être avec Sona, mais qu'elle devrait pouvoir piloter le voyage, et cette découverte jour à jour, l'exceptionnel du patrimoine.
Les échanges se font moins vifs. G. nous questionne. Nous répondons précisément. Bientôt nous parlons du tourisme culturel, du potentiel de ce pays, du développement, d'Internet et des réalités à construire. Ils disent leurs difficultés, le dénuement, le manque de moyens. J'essaie de parler de méthode, de qualité, de l'authenticité d'accueil aussi dans les villages, que l'Arménie, ce n'est pas qu'Erevan. J'essaie de dire pourquoi nous sommes venus, pour toucher même un peu, même de loin, ce qu'est l'âme, le souffle de ceux d'ici. Que la mondialisation, c'est l'économie, des tickets dans les musées ou des hôtels à l'occidentale, mais aussi la rencontre des lieux, des hommes, Makénis et Kirants, que nous avons tous à faire vivre cela, à mieux comprendre...
Plus d'une heure que nous discutons. Nous revenons à la suite du voyage. Nous ne ferons pas plus de kilomètres que prévu, nous n'essaierons pas d'aller dans des endroits impossibles avec le bus. On va mélanger hôtels et logements chez l'habitant, et trouver des endroits sympas pour les repas. En nous quittant, A. s'excuse des problèmes. "Faites au mieux avec eux pour la suite" dit-elle. Je la rassure. Ils nous quittent. Je me rends compte soudain que c'est dimanche et qu'ils étaient au bureau, comme hier.