Second parcours des visages et des icônes, dans la période du IXe au XIe siècles, en Géorgie, c’est-à-dire sur des terres orthodoxes, mais bien éloignées du centre byzantin qu’était Constantinople.
Encore aujourd’hui, les sites présentant des peintures murales sont extrêmement nombreux. Du VIe au XIIIe siècles, “ la fondation de monastères […] est un phénomène proprement géorgien. Il est déterminant pour le progrès culturel du pays et prend très vite une ampleur stupéfiante.1 ” Outre la densité des lieux, il faut noter la participation d’imagiers locaux, surtout dans les régions reculées et suivant les périodes, mais aussi de peintres venus de plus loin.
Khe est un hameau de quelques maisons, dans la région sauvage et à l’écart de Svanétie, au pied des monts du Grand Caucase. L’église Sainte-Barbara a été érigée en deux campagnes, au IXe puis au XIIe siècle. Elle consiste en une nef simple et les parois sont recouvertes de fresques.
Cette icône du Christ en gloire, réalisée sur un panneau en bois, daterait du IXe siècle, nous a-t-on dit sur place, et elle aurait été créée par des peintres locaux. On remarque la frontalité de l’image et la profondeur de l’intériorité qui s’en dégage.
Adishi est un des plus anciens villages de Svanétie, qu’on atteint après une interminable montée, sur une piste invraisemblable, où l’on passe plusieurs fois à gué le torrent qu’on longe. C’est un cul de sac, une sorte de bout du monde au cœur des hautes montagnes. Il y a des passes boueuses entre les maisons, dont certaines abandonnées, de gros murets en pierre sèche, quelques parcelles de potagers et des fleurs bleues et roses.
Il y a trois églises dans ce petit village, dont la plus importante, l’église du Sauveur. Les gens d’ici, à l’existence pourtant précaire, nous font un accueil admirable, eux qui ont sauvegardé depuis des siècles leurs églises, les icônes qu’elles abritent, et même des manuscrits enluminés.
Ces deux icônes de la Vierge remontent au Xe siècle, elles sont faites sur des panneaux de bois. C’est ici aussi un style très local, mais qui intègre les règles de conception des icônes. Les deux icônes sont proches l’une de l’autre, et faussement proches, par certains aspects, de notre peinture moderne d’Occident.
Lachtkhver, un village non loin de Mestia, en Svanétie, possède une église dédiée aux Archanges. Là encore, tous les murs sont couverts de fresques. On nous dit que l’église date du IXe siècle, et les fresques du XIe siècle. Mais Tania Velmans, l’historienne experte de l’art byzantin les date, elle, du XIVe siècle2… De la difficulté du tourisme et des dates...
Et, à regarder ce visage du Christ crucifié, on se rend bien compte que cette manière de créer l’image a subi sans doute des influences venues d’ailleurs et que la culture locale s’est ouverte.
L’église Saint-Georges, qui se trouve dans le village de Svipi, communauté de Pari, date du Xe siècle. Quelques maisons la bordent, à flanc de montagne. Tout l’intérieur est peint de fresques des XIIe / XIVe siècles.
Elle conserve aussi un ensemble d’icônes en métal repoussé, argent ou or, qui remontent au XIe siècle. Il s’agit ici d’une figure de saint Georges, le patron de l’église. On retrouve la présence de la composition frontale, et le rendu visuel propre à cette technique et bien différent de la peinture.
En 2013
1 Tania Velmans, Miroir de l’invisible, Zodiaque, 1996, p.16.
2 Tania Velmans, L’image byzantine, Hazan, 2009, p. 83.
Écriture le 27/11/23