Visages que j’ai oubliés
au premier abord de ma peau,
Écrire, les pas s’en vont
parcourir un monde immobile
Ce qu’on récolte de l’enfance,
ces instants qui protègent toute une vie,
D’où qu’on regarde, l’évidence,
les ressources qu’on épuise
Sur le talus du chemin, des orchidées
comme en tribus venues au jour
parmi les herbes hautes, sauvagement,
La saison revenue des oiseaux
comme un bienfait sur le monde
Les étoiles dans la mémoire
qu’on risque de perdre à jamais,
Les mots dans la nuit
ils viennent sur moi
ils troublent toute l’ordonnance du monde
Fin de l’hiver,
la lune passe à travers les nuages
elle fait une douceur sur la terre bretonne
Soleil sur la terre du printemps
mais nous restons encore timides et figés par l’hiver
comme si nous ne savions rien du monde
comme si nous attendions toujours le mystère
De tous ceux qui passent
qu’on voit à peine
Sage comme une image
on voit une petite fille d’autrefois
en robe à carreaux, qui sourit
au monde qui l’attend.
C’est le titre d’un dernier livre de Christian Bobin, paru deux mois à peine avant sa mort en novembre 2022.