Quand c’est la nuit contre la nuit, le corps se tend,
le corps s’agrippe à lui-même, il cherche dans l’ombre
la clé de l’introuvable, comme l’ange qui passait, dit-on,
sur le devant des yeux pour dissoudre les terreurs de l’enfance
Quand c’est la nuit le temps cogne partout
il déchire les chairs ou le cerveau, sait-on,
sans laisser traces des lacérations ailleurs qu’en la mémoire.
C’est comme les jours gris de fin d’hiver, qui durent
bien au-delà du raisonnable, ainsi la nuit
dans l’épouvante de l’insaisissable
Près de moi ton souffle régulier
je voudrais tant qu’il m’apaise, qu’il me berce
comme le vent courant les collines la nuit
fermait les yeux et l’ange était passé.
C’était bien autrefois,
dans l’assurance d’avoir les jours à pétrir devant soi,
quand naît dans le corps la conscience du temps compté.
On ne sait comment change en soi le regard sur le monde,
et sur soi tout au milieu de lui
soudain les couleurs qui vacillent
et les gestes mal assurés qu’on découvre,
les mains indécises dans l’écriture des mots
toutes les phrases inachevées des jours
C’est la nuit, je suis habité par le jour
je guette ce qui pourrait m’emmener vers l’abandon de soi
vers cela qui répare les douleurs
recoud les gestes à eux-mêmes
pour qu’ils éclairent un peu le monde
Quand c’est la nuit contre la nuit, rien n’est pareil
il n’y a plus le murmure des corps parmi le paysage
ni les sourires qui transfigurent,
rendent le temps malléable, la parole un peu féconde,
seule cette quête éperdue d’une issue
sans qu’on la devine,
le corps dans l’ombre qui chercherait la rédemption
qui ne la voit pas à portée de ses doigts.
Écriture 4 février 2022