Le temps lointain
que la mémoire garde vague après vague
l'hiver je suis devant le feu
je scrute les mystères des braises
j'attends la vie qui ne vient pas encore.
Au printemps, devant la rue
assis sur les marches à guetter les nuages blancs
qui s'effilochent
et je me dis que les jours toujours
seront ainsi insaisissables
toujours les nuages en vie qui s'en va
Je me dis que la vie n'est rien
que ces moments en allés toujours
qu'on peine à voir dans l'instant,
un peu de la lumière, un peu du vent
et ce qui reste dans le souvenir
qu'on pourrait presque toucher comme un corps
L'été nous allions dans les prés
chercher l'air plus transparent
les pousses plus sauvages
et je guettais dans les sourires
des autres l'approbation
de ce qui faisait vie entre nous,
un vol d'oiseau à contre-jour,
le balancement prodigieux des arbres sous le vent,
tout ce qui fait le murmure audible du monde
et qu'on agrippe à peine dans ce qui passe
Le temps lointain s'est resserré
je puise en lui la main fébrile
il se donne généreux comme jamais
les couleurs de l'enfance sont bien plus vives
elles fondent la douleur, le bonheur,
elles s'écrivent sur nos sourires d'alors
sur nos jeux inventés
quand tout se donne
Comment dire la permanence des murmures
au long des vies rien ne reste
à part ces effluves en soi
fragments improbables qu'on voudrait donner
tant et tant
la vie qu'on ne sait pas
nos corps plongés
dans la durée, tant et tant,
ce qui s'arrêtera
un jour d'une saison un peu plus fraîche
Comment rendre à ceux que j'ai aimés
un peu de la lumière, du vent dans la mémoire,
tant et tant,
du bonheur des saisons avec eux vécu
sans trop savoir
l'essentiel qui nous traversait.
Écriture 16 avril 2022