La donation objet de cet article et du précédent est formalisée chez le notaire Cristin, le 18 mars 1812. Jean Sirat, cultivateur à Lépinoux, fait cette donation à ses deux enfants Joseph, marié à Marianne Babin, et Marie, marié à Jean Bonnarme. Voici le second lot.
Le second des dits lots est échu, demeuré, sera et appartiendra à la dite Marie Sirat femme Bonnarme en pure et absolue propriété consistant icelui dans les fonds qui suivent.
Savoir un bâtiment au dit Lépinou avec son quereux1 au devant et vis à vis, qui devra passage avec bœufs et charrettes à l’autre lot, confrontant du levant à la chambre du premier lot, le mur de refend mitoyen sera monté à frais commun jusqu’à la charpente, du couchant au chemin qui conduit à la fontaine des artenants, par le derrière au chai de Jean Sirat et par le devant le quereux confronté au quereux de Pierre Papilleau du Chiron… Plus la moitié d’une houche2 à Libreson à prendre au… contre… d’autre côté à l’autre lot...
Notons qu’il y a souvent comme ici un partage des bâtiments existants. Au premier recensement de 1851, le village de Lépinoux compte 125 habitants, contre environ 40 aujourd’hui et alors qu’il y a un peu plus de maisons construites qu’à l’époque. Dans notre maison, et suivant les dires des anciens propriétaires, quatre “ feux3 ” ont vécu ensemble, chacun occupant une pièce. Le mur de refend qui fait limite ici entre les deux lots doit être remonté jusqu’en haut du bâtiment.
Plus quinze règes4 de vigne situés à La Brousille, confrontant du levant à l’autre lot, et du couchant à Pierre Ardouin la jeunesse. Plus six sillons de vigne situés aux Grandes Versaines, confrontant du levant à la veuve Louis Pineau, du couchant à Jean Sirat, du bout du midi au chemin de St-Jean… Plus une pointe de pré situé au Pré Patin, confrontant du levant à Jean Papilleau et du couchant au chemin de Lépinou à Loiré… Plus neuf règes de vigne situées derrière Le Plantis confrontant du levant à Jean Bonnarme et du midi à la divise de Loiré. Plus douze sillons de terre situés au Pré Patin, confrontant du levant à la vigne de l’autre lot, du couchant à Jean Daigre, du midi au dit chemin de St-Jean. Plus sept sillons de terre situés sur la Sablière, tenant du levant à Louis Babin, et du couchant à la veuve Jacques Micheau… Plus la moitié d’un petit renfermis5 appelé La Tranchée sur l’Aubrée, confrontant du levant à la veuve Louis Pineau qui a l’autre moitié et du midi à Jean Papilleau fossé entre deux dépendant du renfermis… Plus sept sillons sur Les Bouchauds confrontant du levant à la veuve Louis Pineau et du couchant à Pierre Papilleau… Plus dix sillons situés aux Ardillards, confrontant du levant à la veuve Jean Belin et du couchant à Pierre Rillaud… Plus une pièce de pré de cinq routes (?) environ située au Pré Patin confrontant du levant à Jacques Gueri et du couchant au nommé Maillou du chef de sa femme, la dite pièce de pré derrière, confrontée, attribuée à la dite Marie Sirat pour sa portion dans les acquêts…
Qui sont tous les biens domaines et héritages que les dits copartageants avaient à diviser entre eux leur provenant des successions échues et anticipées, le dit Jean Sirat gentille et Favreau conjoint ; s’il s’en trouve d’autres dans la suite provenant des mêmes chefs, ils promettent et seront tenus les partager également par moitié, se tiennent de ceux-ci tombés en leur lots pour contents et bien apportionner, en conséquence ils s’en sont dès à présent et pour toujours démis, dévêtus et désaisis à l’effet par eux d’en jouir faire et disposer à l’avenir, comme de leurs autres biens, en payant les contributions auxquels ils seront assujettis et sous la garantie réciproque à laquelle tous copartageans sont tenus de droit.
Passant les parties au règlement de leurs droits mobiliers, il est par elles déclaré que le dit Jean Bonnarme lors de son mariage avec la dite Marie Claire Sirat fut associé à la communauté mobilière du dit Sirat père et ses enfants ; lui et son épouse pour une moitié et l’autre moitié par le dit Sirat père et le dit Joseph Sirat et son fils, ainsi qu’il résulte de leur acte de mariage reçu le notaire des présentes le vingt et un frimaire an sept, enregistré à Néré le premier nivôse suivant par Merveilleux ; que quelques années après le dit mariage le dit Bonnarme et sa femme étant sortis de la maison de leur père et beaupère en retireraient les portions auxquelles ils étaient associés à sa communauté, que par le contrat de mariage du dit Josaph Sirat avec la dite Marianne Babin, reçu nous dit notaire le vingt trois pluviôse an treize enregistré le premier ventôse suivant, il y eut stipulation de communauté mobilière entre le dit Sirat père et le dit Sirat futur et la dite Babin, que cette communauté a existé de cette manière jusqu’à ce jour. En telle sorte que par le moyen de la donation du père commun, cy dessus établie, le dit Joseph Sirat et son épouse s’y trouvent fondés outre les deux tiers à eux afférants en icelle de la moitié du tiers de leur père et beaupère donateur, et l’autre moitié du dit tiers à la dite Marie Claire Sirat ; les droits mobiliers de chacun étant ainsi réglés, le dit Bonnarme son épouse, Joseph Sirat et la sienne sont ensemble convenus du marché qui suit : savoir, qu’icelui dit Bonnarme et sa femme font par ces présentes cession et transport au dit Joseph Sirat et son épouse acceptant du sixième leur revenant en le dit mobilier, compris en la donation du dit Sirat père, hors et réservé toutefois leur sixième partie en quinze mauvais futs de barriques et deux cuves de charroix aussi mauvaises, cette cession faite pour quatre vingt quatre Francs numéraire effectif, que le dit Sirat et son épouse ne seront tenus payer au dit Bonnarme et son épouse que six mois après la mort du dit Jean Sirat père en espèces de numéraire et non autrement, moyennant quoi aussitôt le dit décès arrivé le dit Joseph Sirat et sa femme s’empareront de plein droit de tous les meubles et effets du dit Sirat père et en disposeront à leur volonté, à toujours sous la réserve, comme dit est, du dit sixième de barriques et cuves qui ne sont point comprises en la dite cession.
[Suit une conclusion “ Tout ce que dessus est l’intention des parties... ” dont il manque la fin.]
Si vous avez eu le courage de lire jusqu’ici, posons-nous ensemble quelques questions. Est-ce seulement la complexité fleurie du langage notarié de l’époque qui nous le rend si peu accessible, au point sans doute qu’on a du mal à imaginer que cela fasse vraiment contrat en bonne et due forme ? Qu’est-ce qui fait, dans la langue, que ceux de l’époque s’y retrouvaient ? Ou faut-il admettre que, déjà, il leur fallait des sortes de traductions ? Si la description des lots est lisible, que dire des affirmations autour des “ communautés ” ? Et, au-delà, à quelles différences dans le rapport au monde renvoie cette langue, avec notre temps à nous ? Qu’a-t-on gagné, qu’a-t-on perdu ?
1 Quereux : sorte de place nue ou de cour non fermée, jouxtant les bâtiments.
2 Houche ou ouche : parcelle de terre de bonne qualité souvent cultivée en potager.
3 Feu : couple en ménage, avec enfants éventuels.
4 Rège : désigne une rangée de vigne palissée.
5 Renfermis : petit enclos.
Écriture et transcription mars 2023