Comment savoir ce qui fait la mémoire des pierres ?
Nous allons d’une pièce à l’autre, entre poussière et découverte, la porte au Nord a son arc de granit, et le mur très épais avec les ans s’est courbé largement. Poutres noircies, là ce qui était l’écurie, et là le pressoir à pommes, nous touchons les objets laissés dans leur gangue du passé, nous touchons la pellicule frêle d’humanité, hommes et femmes en allés, ce décor dans la pénombre qu’ils ont laissé. La porte grince, la porte a le bois rongé par l’humide, on va, on cherche à deviner l’empan des vies passées.
Au sol, les vieux carreaux dépareillés, au mur les années dans la peinture superposées, et plus loin marquant l’espace, l’ossature d’une armoire massive, où ceux d’antan avaient gravé quelques motifs de décor. On va, on cherche entre l’émerveillement et la désespérance, ce qui a fait la trame des douleurs, des instants, des labeurs…
La maison s’offre, c’est comme une femme aimée dont on sait vite l’inépuisable du mystère. La pierre comme l’humain résiste au temps comme aux regards. On marche de la remise au hangar, on voit le jardin, l’ombre du très vieux prunier, le lilas et le noyer, plus bas. On ne cherche rien que l’à peine perceptible balancement des êtres qui furent là, que des signes d’eux, précaires peut-être, peut-être imaginés, mais qui soudain ouvriraient le mutisme du temps.
Écriture en mai 2021