C'est après le repas parfois tu viens, tu t'assois
tes yeux rient sur la vie qui coule
tu dis : “ Je voudrais bien savoir... ” et le monde soudain
c'est un abri tendu de nos paroles.
Souvent, derrière les faibles murs
ta voix gonfle, elle porte jusqu'en nous tous
elle fait trembler jusqu'aux entrailles de la terre
et c'est un grand bonheur de rires
comme la mer en ressac
devant l'absurdité du monde.
Un jour dans l'insensible la voix se fêle
le monde s'est fait gris sans trop savoir en toi
la peur nous a tous recouverts,
comme un manteau que toi seule porte.
Et le temps continue son charroi de temps
tu serres de tes bras la vie
tu dis : “ Je reste là... ” et ton rire encore ouvert
qui nous traverse
comme un chant bleu qu'on voudrait sans fin
comme le ciel.
C'est le tournant d'hiver
tu viens encore, tu m'embrasses tu dis
“ Et une bonne santé, surtout... ” je te serre l'épaule
tu cherches encore à rassembler ce qui s'enfuit,
la confiance encore au prix de la douleur.
C'est un peu plus tard un matin
on ne comprend jamais l'inéluctable
on est là, tous, la chair de toi manquante
ton rire en allé, la vie si mince.
On est là tous, serrés, dans le froid qui coupe
toutes les peaux toutes les paroles
c'est notre cortège à tous le froid la mort
qui rassemble les hommes, nous avançons
le vent de février disperse les pétales
qu'on veut t'offrir encore.
Voilà, nous rentrons
il y aura la part de la mémoire longtemps
les jours à vif, l'absence
comme la mer en ressac qui cogne
contre l'espoir infini qu'on voudrait.
Février 2007
Jacqueline était une collègue de travail, partie trop tôt.
Écriture en mai 2021