Celle qui marche dans le bâtiment sombre
c'est la fin de la journée, il n'y a plus le bruit
des enfants, il n'y a plus
que le silence en soi, si simple, elle va
d'une table à l'autre, elle range elle se dit
que la jeunesse est sur le monde
comme une voile en attente d'un souffle.
Elle va dans les couloirs elle voit d'en haut
les grands arbres, ces bâtiments comme un enclos
et ces multiples vies en eux
qu'elle avait voulu porteuses du vent,
des regards inépuisés des enfants de tous âges.
Elle va elle voit les rires, les pleurs
les joues vives, les mères qu'on embrasse
dans le froid de novembre, elle voit
ceux qui sont là pour le voyage des enfants
et qui n'ont jamais voyagé
et ceux qui le matin
inventent le matin, créent le monde,
gonflent les voiles,
et les fronts enfantins prennent la mer.
Elle voit les déchirures
les regards suppliants
les mains cernées par les violences
et la voix si précaire
qui fait le tissu, l'embellie,
qui dit que malgré tout
la vie se tient, là,
entre les enfants et les voiles du vent.
Celle qui marche dans le soir
au bout de sa fatigue au bout
de toutes les joies du monde
elle n'en finit plus d'écouter
les rumeurs les phrases les langues
elle prend l'escalier, elle ne tient pas de lampe
elle sait que la nuit, ici,
ne viendra plus.
En octobre 2005
Pour Monique, qui enseignait à ce moment-là depuis quarante années