Plus d’un an que des vagues de virus tournoient dans nos têtes, saturant l’espace et nos échanges et toute parole commune.
Qu’est-ce qui fait changer le monde ? Un avant et un après, dit-on. Un révélateur de ce qui était en germe, dit-on encore, première marche d’une menace globale bien plus terrifiante à laquelle on ne croit toujours pas vraiment. Le sentiment d’un château de cartes qui tremble et bientôt va s’effondrer, et celui tout aussi prégnant d’un aveuglement face à ce qui vient. Les affaires, n’est-ce pas, doivent continuer, tout comme le spectacle – divertir, c’est détourner.
Moments confinés qu’on vit comme des parenthèses, tout va reprendre, on va recoudre l’ancien monde, celui de l’insouciance et du gâchis, de la destruction de ce par quoi on vit, la terre et les cultures engendrées par l’aventure humaine.
Cette aventure bientôt régie par des algorithmes, écrans, capteurs partout autour de nous, sur nos corps, en eux bientôt, pour des injonctions plus autoritaires. C’est la sécurité, l’efficacité, le temps gagné. L’humanité s’efface, qui tissait un lien ténu entre les êtres, cet enchantement de l’échange se défait. L’humanité s’annihile elle-même, tout en douceur lente, sous les belles images qu’on invoque toujours, les valeurs auxquelles on ne croit pas plus que l’horreur à venir. Belles images, belles phrases, dévoyées infiniment de cet élan qu’elles devraient créer. L’humain s’efface, la croissance et l’argent n’ont plus besoin de lui, sauf pour ce qu’il achète.
Plus d’un an que se dévoile à pas rapides cette vulnérabilité dans nos vies, l’incohérence de ce qu’on met en œuvre pour vivre ensemble. Mais c’est sûr, tout va recommencer, on va verdir l’économie, rouvrir tous ces espaces de fête où les corps se consomment, se consument dans l’oubli.
Écriture Avril 2021