Il s’agit du contrat de mariage entre Joseph Sirat et Marianne Babin, en date du 12 février 1805.
Cet article du blog, d’une teneur un peu spéciale, commente la transcription1 (en italiques) de cet acte notarié que les anciens propriétaires de notre maison nous ont donné, parmi un ensemble d’anciens papiers. Signe de mémoire, signe d’un langage qui nous échappe un peu aujourd’hui, signe en pointillés de la présence d’un monde… Les registres paroissiaux nous apprennent que Joseph Sirat est né le 21 novembre 1778 à Lépinoux, et Marianne Babin le 12 juillet 1779 à Saint-Mandé, à quelques kilomètres.
Napoléon par la grâce de Dieu et les constitutions de la république Empereur des français à tous présents et à venir salut, faisons savoir que
Par devant Joseph Cristin notaire public résidant à Néré canton d’aulnay, arrondissement de Saint Jean d’Angély, département de la Charente Inférieure, soussigné, et les témoins cy après nommés, furent présents Joseph Sirat cultivateur fils majeur de vivant Jean Sirat dit [Effacé] et de défunte Marie Favreau, ses père et mère, de son dit père ici présent duement autorisé à l’effet des présentes, demeurant ensemble au Lieu de L’Epinou, commune de Néré d’une part,
Et Marianne Babin aussi fille majeure et légitime de vivant Louis Babin cultivateur et Jeanne Papilleau ses père et mère, d’eux ici présents aussi, suffisamment autorisés à l’exécution des dites présentes, demeurant aussi ensemble au chef Lieu de la commune de Saint Mandé d’autre part,
Lesquels dits Joseph Sirat et Marianne Babin pour les dites autorités s’étant cy devant promis en mariage et observé les formalités prescrites par les nouvelles Lois de la République, ont ce jourd’huy passé à la célébration d’icelui devant monsieur le maire officier public de la dite commune de Saint Mandé. En faveur et considération duquel mariage qui autrement ne se serait fait ni accompli a été fait les accords et conventions de mariage qui suivent
Savoir que le dit Jean Sirat Père du nouvel époux lui constitue en dot de mariage tant de son chef que de celui de la dite feue Favreau son épouse, en avancement d’hoirie2 et en attendant sa succession future, et pour tenir lieu a lui dit nouvel époux des droits successifs de sa dite feue mère, la moitié des meubles et effets mobiliers composant maintenant sa communauté mobilière, toutefois sous la Réserve cy après établie
En la dite faveur de mariage les dits Louis Babin et Jeanne Papilleau, celle cy autorisée du dit Babin son mari, constitue en dot à mariage à la dite Marianne Babin nouvelle épouse, aussi en avancement d’hoirie et en attendant leurs futures successions, un lit rempli de plume, son traversier aussi rempli de plume, un châlit3 neuf, deux draps de lit toile commune, une nappe même toile, un essuie-mains, trois brebis mères et leurs agneaux et un coffre ferré et fermant à clef. Estimés les dits meubles la somme de cent francs, plus la somme de cent quarante francs numéraire effectif, lesquels meubles et effets les constituant promettent et s’obligent délivrer aux nouveaux époux dès le jour de demain. Cependant quant aux brebis et leur suite, elles s’obligent les faire garder à leurs frais jusqu’au huit vendémiaire prochain, toutefois aux risques, avantages ou perte des nouveaux époux. Quant à la somme en argent iceux constituants s’obligent en payer cinquante francs au cinq nivôse4 prochain, et autres cinquante francs le cinq nivôse de l’an Quinze, et les quarante francs restant à pareil terme du cinq nivôse de l’an Seize, Le tout aux peines de droit et sans intérêts jusqu’aux dits termes, iceux passé encourront aux termes de la loy jusqu’à parfait et final payement.
Première constatation : la dot du marié n’est pas mentionnée en détail (simplement, “ la moitié des meubles et effets mobiliers ”), alors que celle de la mariée l’est. Seconde constatation : celle-ci n’est pas très étoffée en meubles, même si les les trois brebis donnent sans doute de la valeur. Mais du “ numéraire effectif ” complète l’apport.
Et comme la dite nouvelle épouse promet s’oblige et sera tenue d’aller établir sa demeure future en la maison société et communauté de son nouvel époux et du dit Jean Sirat son père, il est dit convenu et accordé entre les parties que chacune d’elle y sera fondé toute après au et jour du présent mariage expiré et non plutôt, savoir la dite nouvelle épouse pour une tierce partie, le nouvel époux pour une tierce partie et l’autre tierce partie pour le dit Jean Sirat père. Ces trois parts faisant le tout de la dite communauté, en laquelle sera conférée la constitution cy dessus faite à la nouvelle épouse tous droits mobiliers du nouvel époux, et du dit Sirat père droits revenus [??] et travaux de toutes parties aux frais de laquelle communauté mobiliaire seront nourris et entretenus les enfants s’il en naît du présent mariage. Est toutefois réservé par le dit Sirat père son lit garni tel qu’il couche, lequel il prélèvera de clause expresse avant tout partage de la communauté fut contractée
A leur égard les dits nouveaux époux seront aussi après le dit an et jour de leur mariage expiré en commun et par moitié en tous biens meubles et effets mobiliers qu’ils ont des présents, auront, seront et acquéreront pendant et constant leur mariage, et auront à la fin d’icelui ensemble dans leurs acquêts conquêts5 immeubles arrivant dissolution de cette dernière communauté des nouveaux époux, soit par mort ou autrement. Il sera au choix de la nouvelle épouse ou des siens d’icelle accepter ou y renoncer Et en cas de renonciation, elle aura ou auront tout ce qui sera justifié y avoir par elle été porté et conféré soit par quittance ou autrement, le tout franc et quitte de dettes quoi quelle s’y serait obligée pour la garantie desquels droits les biens présents et à venir du nouvel époux demeurent de ce jour obligés et hypothéqués.
Pour leurs autres droits, les nouveaux époux s’en rapportent aux nouvelles lois de la république
Il est un peu difficile de s’y retrouver dans le langage notarié de l’époque, mais le contrat situe bien les obligations des uns et des autres, et tentent de prévoir ce qui peut advenir (les enfants par exemple). Ensuite, la fin de l’acte ci-dessous fait une référence détaillée à tous les témoins et autres membres de la famille présents. À noter que seuls une partie des hommes ont signé le document, et aucune femme.
Ces présentes faites de l’avis conseil autorité et consentement, savoir de la part du nouvel époux, outre son dit père, de Jean Bonnarme et Marie Sirat ses beau frère et sœur, de Louis Favreau son oncle du côté maternel, de Jacques Louvrier son oncle par alliance du dit côté maternel, de Mathieu et Joseph Sirat cousins germains du côté paternel, Jacques Louvrier cousin germain du côté maternel, Jean Sirat issu de germains.
Et de la part de la dite nouvelle épouse outre ses dits père et mère, de Pierre François, Louis Magdelaine et Françoise Babin ses frère et sœur, Marie Risteau sa belle sœur, Jeanine Gauvin, femme de François Babin aussi belle sœur, Jean Papilleau fils d’Henry aussi son beau frère, Jean Bellin, Pierre Papilleau, Pierre Billérêt, Magdelaine Billéret cousins germains du côté maternel, de Marie Vergnon au même degré du côté paternel et autres parents et ainsi pour ce assemblés. Tout ce que dessus les parties l’ont ainsi fait, voulu, consenti.
Stipulé et accepté et à l’entretien et parfaite exécution obligent et hypothèquent tout et chacun leurs biens présents et futurs Dont de leur consentement nous dit notaire de Néré avons jugés et condamnés. Fait et passé au dit lieu de St Mandé, maison et demeure du dit Louis Babin, ce jour d’huy vingt trois Pluviôse an treize6 en présence de Sieur Louis Rigoudeau notaire public et de Jean Gravouil maréchal demeurant le premier à Fontaine le second à Néré témoins connus et requis qui après lecture ont signé avec nous dit notaire ainsi que ceux des parties et parents qui le savent, les autres ayant déclaré ne le savoir faire
Ce enquis et interpellés suivant la loy.
Ainsi signé à la minute Joseph Sirat, Jean Belin, P. Billérêt J Sirat, Pierre Babin, P. Papillaud, Rigoudeau, Gravouil et Cristin notaire
Enregistré à Néré le Premier Ventôse an treize7 Fo 26 N° case 4 Reçu trois francs pour le mariage, un franc cinquante centimes pour la dot, trois francs pour la communauté Plus soixante quinze centimes pour le décime signé augier
Mandons et ordonnons à tous de mettre les présentes à exécution, a tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis et aux Procureurs Impériaux d’y tenir la main En foi de quoi la présente Grosse8 a été scellée et signée par le dit notaire
Cristin notaire
1 Pour la transcription, nous avons aéré le texte, ajouté quelques signes de ponctuation, mais respecté la formulation.
2 Hoirie : héritage.
3 Châlit : bois de lit (Littré).
4 26 décembre 1805
5 Conquêt : ce qu’on acquiert par son travail, qui ne vient pas de succession (Littré).
6 12 février 1805
7 20 février 1805
Écriture et transcription mars 2023