Visages que j’ai oubliés
au premier abord de ma peau,
dans le berceau, ma mère sans doute
et les cousines, les voisines, et d’autres de passage,
les femmes se penchent vers l’enfant
peut-être ont-elles toujours en elles
l’image première de la vie sortie de leur ventre
comme une merveille dont on ne mesure jamais
ni l’importance ni les conséquences.
L’enfant du creux de sa couche
ne sait rien de ces regards quêtant en lui
l’imperceptible différence d’un sourire
comme l’essentiel merci du monde.
C’est bien après, dans les cours d’école,
les petits des hommes, qui se dévisagent
avant de jouer à la guerre,
les traits se sont durcis,
de la soif du pouvoir à la solitude déjà,
quel âge a-t-on quand tout ainsi devient péremptoire,
quand tout propos devient la mesure de soi-même
à l’aune de la cruauté du monde ?
Et puis un jour, c’était en août pour moi,
au pied de grands arbres qui jouaient avec les nuages,
quand on regarde celle près de vous, que son visage
vous appelle pour un voyage que vous savez sans fin
dès le premier instant,
comme si la lumière et la peau, les courbes douces,
faisaient à jamais chavirer le monde.
Le temps passe, la vie ne s’efface jamais,
tant de visages dans les voyages
qui vous ont comblé, surpris, fait défaillir
au bord de l’inconnu, au milieu des douleurs, des joies,
de ce qui brasse tant et tant l’être humain
qui va sur les routes du monde.
Le temps passe, celle qui vous offrait naguère
tout l’amour de son visage contre le vôtre, dans le berceau
vient de quitter la vie, vous la voyez maintenant
comme un masque que la mort a creusé
jusqu’au plus profond de son mystère,
vous l’embrassez une dernière fois,
c’est vous qui vous penchez maintenant,
voit-elle vos traits quémandant l’impossible ?
C’est froid comme la glace,
un visage en allé du monde.
Écriture 24/07/23