Détail d'un khatchkar
Gochavank (Arménie)
Il n'y a jamais...
Poème (Rémy Prin)
Bestiaire au portail sud
Aulnay
Carré du marais
St-Hilaire la Palud
Fresques de l'abside
Kobayr (Arménie)
Les églises du monastère
Noravank d'Amaghou (Arménie)
Tissu de flammé, ikat trame
Charentes, France
Visage
San Juan de la Pena (Aragon, Espagne)
Motif à l'araignée, ikat trame
Okinawa, Japon
Voussure du portail
Foussais
Détail d'une robe, ikat chaîne
Urgut, Ouzbékistan
Nous tentons...
Poème (Rémy Prin)
Saintongeoise
Détail de la coiffe
Détail d'un sarong, ikat chaîne
Sikka, Flores, Indonésie
Coiffe de deuil
Mazières sur Béronne
Hinggi kombu, l'arbre à crânes, ikat chaîne
Kaliuda, Sumba, Indonésie
Panneau de soie, ikat chaîne
Boukhara, Ouzbékistan
Pua kumbu, ikat chaîne
Iban, Sarawak, Malaisie

Ce qui a duré
dans la mémoire des hommes,
ce qui fait culture,
paysages de la terre
ou pays de l'esprit,
ce qui peuple le voyage,
les vies, la plénitude,
le patrimoine, ce n'est rien
que ce lien fragile
de ce que nous sommes
à ce que nous devenons.

Les premiers jours

Ce sont les premiers jours de grand beau temps, trop tôt dans la saison. Mais l’air et l’espace sont limpides. On croit en marchant respirer comme une matière légère, une lumière presque palpable.

Des amis sont là. Ils regardent devant la maison le vieux frêne, taillé dès sa jeunesse en cinq branches devenues de multiples troncs vénérables, et qui font à chaque saison maintenant une corolle admirable de ramures et de feuilles frémissantes. Chaque année, je pense à ceux qui ont décidé cette taille de l’arbre, il y a bien longtemps, plus de deux siècles certainement, vu la longueur de son entour. Savaient-ils qu’ils travaillaient à couvrir d’ombre, à ménager l’espace du repos pour des générations ? Savons-nous faire aujourd’hui des gestes de portée aussi longue ?

Les amis regardent l’arbre. Ils disent “ Son écorce, on dirait la peau d’un éléphant ”. Ils tournent, ils quêtent, ils voient le peu de hauteur du grand tronc, avant la première taille. “ Pour les enfants, ce devait être facile ”. Je repense à notre fils et sa cabane précaire, il y grimpait avec une petite échelle. C’était il y a presque cinquante ans. La vie déroule son temps, on la croit immobile, on garde d’elle des images, des fulgurances, comme aujourd’hui cet arbre qu’on regarde avec respect. Et comme avant, l’enfant dans son imaginaire et ses aventures.

On lève les yeux vers la ligne des collines, dans la symphonie des verts tendres de cette saison neuve. La terre s’ouvre, s’offre, appelle. Et c’est la même scène immense depuis des décennies. Avec toujours le même serrement de cœur. On partage à quelques-uns cet instant d’accord intense, sans qu’on sache d’où en vient la puissance, le corps abandonné au paysage, au soleil qui modèle le moindre relief. Là-bas, tout au sud, c’est le vivant dans la chaleur naissante, dont on croit deviner le geste d’apaisement et d’espérance. Là-bas, où sont résorbées les violences du monde. Là-bas, dans ce pays des enfants où ils s’ébattent à même la terre et les arbres, dans le dialogue infini des vies.

Écriture le 14/04/24

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