Cette sensation d’abord peut-être d’une présence qui nimbe les jours, celle des visages bien sûr, mais aussi des lieux, des paysages d’humanité. Et que cette présence se nourrit d’une mémoire grande, celle des lointains de l’espace et du temps, celle des traces précaires, les œuvres, les images…
C’est à quelques kilomètres de Paksé, la ville du Sud, au Laos. Le Mékong est déjà large de plus d’un kilomètre. Sur ses rives, presque face à face, deux villages où les femmes consacrent l’essentiel de leur temps au textile.
De Luang Prabang, nous partons en début d’après-midi vers le Nord, à cent cinquante kilomètres, vers les villages à l’écart de la foule.
D’un côté, le Mékong, déjà empreint d’ampleur et de calme, l’image de légende, de l’autre la rivière Nam Kham et, entre les deux, jusqu’à leur confluent, un bout de terre : c’est là que s’est construite la ville.
C’est le titre d’un dernier livre de Christian Bobin, paru deux mois à peine avant sa mort en novembre 2022.
Au village, nous sommes à nus avec la terre. Les maisons donnent sur le paysage, on passe du vent ou du soleil à ce qui nous en protège.
Le visage de cette femme
dans le pays Minang de Sumatra
Pourquoi l’enfance ainsi fait-elle la lumière tout au long des années, d’un halo plus perceptible quand l’âge avance ?
On marche, il n’y a que le rythme en nous
des corps qui se tiennent
à quelques pas du cœur
à quelques pas d’eux-mêmes.
La conscience du temps sur le corps
et dans tout ce qu’on nomme soi-même.
Dans ce titre du livre de Pierre-Yves Gomez, il y a le mot malin, à comprendre à la fois comme indice du diable qui divise et dissout, et comme ruse et intelligence pour s’imposer.
Arriver ici, c’est traverser les montagnes, ou remonter la vallée de l’Aude si longuement – désert d’arbres et de roches – qu’en atteignant les hauteurs c’est comme une libération.
Matin de l’été, à Yazd, dans la chaleur. Nous allons à l’écart de la ville, vers le lieu de la mort.
C’est de l’autre côté du fleuve, dans ce quartier de la Nouvelle Joulfa, où les Arméniens s’installent après leur exil voulu par le Shâh Abbas Ier.
Sur cet îlot du lac de Van en Turquie où se dresse l’église d’Aghtamar, un pur chef d’œuvre de fresques et de sculptures du Xe siècle, nous avions rencontré un arménien de Tabriz qui avait fait le voyage jusqu’à Van, avec la grande ferveur intérieure qu’on connaît aux Arméniens, eux qui mènent souvent d’un même élan leur être, leur mémoire et souvent leur malheur.
La mosquée du Shâh donne sur l’immense place d’Isfahan. Elle fut construite par le shâh safavide Abbas Ier au début du XVIIe siècle, après qu’il eut fait de la ville sa capitale.
Nous sommes passés par Natanz un peu par hasard, la petite ville est sur la route d’Isfahan. Reza nous avait dit : “ On s’y arrêtera, vous verrez... ”
Nous avions commencé notre périple en Iran par cette région du nord-ouest proche de l’Arménie et de la Turquie, comme pour partir de terres moins lointaines, plus proches, croyait-on, de nous-mêmes. Et Reza, qui nous guidait, avait voulu nous emmener à la Mosquée Bleue, manière de pierre fondatrice de l’itinéraire.
Quand on ne maîtrise pas la langue d’un pays, à quoi tient la réussite d’un voyage sur ses terres – on pourrait presque dire sa vérité ?
Sur ces chemins quasi infinis, qu’on a dit de la soie, entre Orient et Occident, que les voyageurs empruntent depuis deux millénaires, l’Iran fait office de plaque centrale, une simple carte le montre.