Cette sensation d’abord peut-être d’une présence qui nimbe les jours, celle des visages bien sûr, mais aussi des lieux, des paysages d’humanité. Et que cette présence se nourrit d’une mémoire grande, celle des lointains de l’espace et du temps, celle des traces précaires, les œuvres, les images…
Comment expliquer le déni de l’humanité face à des conclusions scientifiques alarmantes, alors que la science est au cœur de notre époque et son moteur évident ?
C’est un livre qui a marqué le jeune chercheur que j’étais, il y a plus de cinquante ans, et qui me revient à la figure aujourd’hui grâce à la parution d’un autre livre dont la trame romanesque s’inspire du premier.
C’est dans une petite ville de l’Ouest, une grande salle bien éclairée, avec des tables tout autour et des piles de livres sur les tables.
Les livres,
un peu partout posés dans la maison,
J’ai commencé de brasser la terre du jardin, il y a deux jours, dans l’humidité encore grande de cette terre lourde, avec qui je dialogue depuis cinquante ans.
Avec ceux qui sont proches vient la vie facile des rencontres et souvent de la confiance partagée.
C’est dans son atelier, sur les hauteurs de la maison, là où la lumière encore nimbée des montagnes entre à flot.
C’est comme un nid, c’est une maison qu’on a commencée petite, une sorte de cocon à même la terre un peu sauvage, parmi les arbres de ce pays du sud vers le Lubéron, avec de grandes trouées ouvertes au regard.
La Svanétie est une terre à part, nichée au pied du Grand Caucase, dans la partie ouest de la Géorgie.
D’une étape à l’autre en Géorgie, comment écrire la profusion de l’architecture, des reliefs sculptés, des peintures murales ?
Nous avons dormi à Akhaltsikhe, au sud-ouest de la Géorgie, au sein des montagnes du Petit Caucase.
On touche des mots parfois,
dans l’incertitude tremblée de la main
qui les couche sur la page,
Les hommes dans les bois font la brouille,
ils nettoient autour des arbres, c’est l’hiver,
Quand on revoit l’enfance, c’est à pleines brassées la certitude du monde.
Jour d’hiver mouillé qui respire à peine
Les jours qui rapetissent,
l’hiver, la saison qui s’en va vers la mort
Quand je m’éveille la nuit, je guette
Les ouvrages plus récents de Michel Serres ont continué de convoquer le textile, comme des petits cailloux éclairants tout au long du chemin.
Atlas1, en 1994, se veut le livre autour de ces questions : “ Où sommes-nous et que faire ? Oui, par où passer pour aller où ? […] Comment se repérer dans le monde, global, qui se lève ? ”
Le textile, c’est aussi le vêtement.
Après une pause, reprenons l’approche du textile dans l’œuvre de Michel Serres. En 1985, Les cinq sens1 explore les corps “ si vite changés en moins d’un demi-siècle ”.
On aurait pu titrer Circuit court et circuit long, ou Les méfaits de l’économie toute puissante, ou bien plus simplement L’absurdité.
Soir d’hiver, la pluie fouette le seuil,
la pluie s’insinue dans les vies de l’enfance
Nous sommes en août 1970, à visiter cette maison qui va devenir nôtre.
En 1983, Michel Serres publie Rome, le livre des fondations, un parcours époustouflant de l’histoire de Rome
À compter des années 1970, Michel Serres délaisse progressivement ses Cahiers de formation, et commence de publier des livres, dont la série des Hermès, où notamment l’approche des systèmes se confronte à la problématique de l’ordre et du désordre.
La première mention liée au textile apparaît en 1962, dans les Cahiers de formation1 :
Michel Serres, qui nous a quittés en 2019, fut un grand penseur, auteur d’une œuvre immense (80 livres publiés environ) qui a fait rupture dans la philosophie et parfois polémique, en ce que son approche ébranlait les cénacles intellectuels et cherchait à s’adresser au plus grand nombre.
D’abord, il y avait eu ces costumes du temps lointain, sauvés de la destruction, collectionnés comme on dit, des décennies durant, par des regards experts et des mains qui les rangeaient dans des chambres profondes.